Annabelle* B., une jeune femme de 24 ans, a comparu devant le tribunal de Saint-Pierre pour deux infractions qu’elle a reconnues. Dans un excès de colère, elle a poignardé son ex-conjoint après avoir consommé des anxiolytiques avec la compagne actuelle de ce dernier. Le verdict est tombé : deux ans de prison, dont douze mois assortis d’un sursis probatoire de deux ans.
L’histoire tragique a débuté le 13 juin 2023, vers 9 heures du matin, lorsque la police est appelée par Annabelle, qui signale la présence d’une dizaine d’hommes devant son domicile. La veille au soir, elle avait passé la soirée avec Claire*, âgée de 16 ans, qui est également la petite amie de son ex-conjoint, Aron*, avec qui elle a eu une relation de sept ans. Au cours de cette soirée, elles ont évoqué des violences subies par Claire, et ensemble, elles ont pris des anxiolytiques avant de se coucher. Au réveil, Claire ne se sentait pas bien et vomissait, ce qui a conduit Annabelle à annuler un rendez-vous prévu avec Aron au marché forain.
Cependant, la situation a rapidement dégénéré lorsqu’Annabelle a remarqué la présence d’Aron devant son domicile, accompagné d’autres hommes. Par peur, Annabelle s’est armée d’un couteau et a immédiatement appelé les gendarmes. À leur arrivée, ils ont découvert Aron grièvement blessé, gisant dans une flaque de sang.
Des versions contradictoires
Lorsqu’Aron arrive avec d’autres membres de sa famille, son avocate affirme qu’il aurait été piégé. Elle déclare qu’il aurait reçu plus de 45 messages la veille et aurait été violemment agressé dès son arrivée chez Annabelle. Il aurait été poignardé à trois reprises, notamment au niveau des reins, avec un doigt partiellement sectionné et un bras blessé.
Cependant, Annabelle présente une toute autre version des événements. Elle reconnaît avoir porté un coup de poignard lorsque les hommes sont arrivés nombreux chez elle. Prise de peur à l’idée qu’ils puissent entrer, elle appelle immédiatement les gendarmes et saisit un couteau. Aron entre et la voit avec l’arme, il l’aurait bloquée et aurait pris sa matraque pour la frapper à la tête. Lorsqu’il se relève, il trébuche. Dans un état de panique, Annabelle grimpe sur lui et lui porte un coup à la côte. Elle déclare à la barre : "J’ai enfoncé tout le couteau dans son ventre". Les autres hommes arrivent, ils sont six et la bloquent avec la matraque. Elle ajoute : "Sur le coup, je n’ai pas réfléchi, je ne voulais pas qu’ils voient que j’avais peur d’eux". Elle conclut en disant : "Je veux venger toutes les femmes victimes de violences".
Son avocate, Maître Savigny Delphine, soutient qu’elle a agi pour éviter un sort encore pire, car Annabelle aurait pu être davantage agressée, voire tuée. Elle insiste sur l’état de santé complexe et grave d’Annabelle, invoquant une altération du discernement et plaide pour une peine assortie d’un sursis probatoire.
Une violence qui la rend dangereuse
Le tribunal a pris en compte le passé fragile et lourd d’Annabelle, livrée à elle-même depuis l’âge de six ans. Toutefois, il souligne également la violence récurrente de son comportement, qui la rend dangereuse. Elle sera condamnée à deux ans de prison, dont douze mois assortis d’un sursis probatoire de deux ans avec obligation de suivre des soins et de trouver un emploi. Elle devra également indemniser Claire pour le préjudice moral subi et ne pourra ni la contacter ni se rendre au domicile de Claire et d’Aron. De plus, une interdiction de possession d’arme pendant cinq ans lui a été infligée. Son année de prison sera aménagée sous forme de bracelet électronique.
Claire obtiendra symboliquement un euro de préjudice moral, et une expertise médicale sera réalisée pour évaluer les dommages subis par Aron, avec un renvoi sur intérêts civils prévu pour le 8 décembre 2023.
* Les noms ont été modifié pour des raisons d’anonymat
Fanny Dard