Attendu depuis de longs mois, le procès de Brigitte Bardot pour injures raciales, s’est tenu ce 7 octobre, malgré l’absence de la prévenue. Dans un courrier en mars 2019 adressé au préfet, l’ancienne star du cinéma avait tenu des propos injurieux et racistes envers les Réunionnais. Une peine de 25 000 € d’amende a été requise à son encontre. La décision sera rendue le 4 novembre prochain.
Ce 7 octobre, la grande salle du palais de justice de Champ-Fleuri est remplie. Toutes les places sont occupées. Ou presque. Les deux prévenus, Brigitte Bardot et Bruno Jacquelin, responsable de la communication de la fondation Brigitte Bardot brillent par leur absence. Une absence comme celle de leur avocat parisien qui est remarquée. Les conseils de la partie civile, lors de leur plaidoirie le font savoir. Me Alex Vardin parle de "lâcheté". "Depuis un an, elle nous balade", avance le conseil de Jean-Hugues Ratenon et de la Fédération tamoule. "Madame Bardot est inculte et ignare. Elle parle de "réminiscences de cannibalisme des siècles passés". C’est surtout, des réminiscences de la pensée coloniale passée", ajoute l’avocat. La robe noire demande 30 000 € de dommages et intérêts pour les deux clients qu’il défend.
Après trois renvois, le procès pour "injure publique en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique" s’est déroulé ce jeudi avec des échanges parfois houleux entre les avocats. Le 19 mars 2019, l’ancienne actrice de 87 ans avait rédigé un courrier sur la maltraitance animale à La Réunion et adressé au préfet, comme le soutient son avocate Me Catherine Moissonnier. Un courrier qui avait été envoyé à certains médias de l’île par le responsable de la communication de la fondation, par le biais d’un lien dans un mail.
Elle y évoquait "des réminiscences de cannibalisme des siècles passés", "une population dégénérée encore imprégnée des coutumes ancestrales, des traditions barbares qui sont leurs souches". L’ancienne figure de Marianne qualifie les Réunionnais "d’autochtones qui ont gardé leurs gènes de sauvages". Elle parle d’une "île démoniaque", mentionnant les offrandes animales de certaines communautés religieuses de l’île. Dans le passé, l’actrice a déjà été condamnée pour des faits similaires, à plusieurs reprises.
Sur le banc des parties civiles, quatre associations sont présentes, ainsi que le député Jean-Hugues Ratenon. "Le terme sauvage marque ici une frontière entre humanité et animalité. Il y a une opposition entre les autochtones qui ont gardé une animalité et les lois françaises qui sont le fruit de personnes civilisées. Il y a une attitude d’hostilité à l’égard d’une catégorie de personnes [...] Ses propos n’ont aucun lien avec la réalité. Ils sont racistes et purement gratuits. Je ne suis pas sûr qu’ils militent pour la cause de Brigitte Bardot", avance Me Fabrice Saubert pour la Ligue des Droits de l’Homme. Et de conclure : "Le racisme est un délit et non une opinion". Un euro symbolique est demandé par l’association pour le préjudice moral.
Pour l’avocat de la Ligue internationale contre le racisme et le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié des peuples, l’intention de Brigitte Bardot était de diffuser son courrier à un maximum de personnes. "C’est une lettre écrite. Elle est pensée mot par mot. C’est une lettre ouverte. Elle est donc destinée au plus grand nombre [...] J’aimerais tant que nous n’ayons pas à exister. Si nous sommes là, c’est à cause de gens comme Brigitte Bardot". Me Phillipe Pressecq demande deux fois 30 000 € pour les deux associations qui se sont constituées partie civile.
Sans revenir longuement sur les propos tenus dans la lettre, la procureure les considère comme "blessants et injurieux" envers le peuple réunionnais et l’ensemble des citoyens y habitant. "Dans une société où les différentes communautés s’entendent, de telles injures ne peuvent qu’être blessantes. L’objectif est qu’ils atteignent le plus grand monde", insiste pour le parquet Bérangère Prud’Homme. Elle requiert 25 000 € à l’encontre de la militante des droits des animaux et la diffusion dans les organes de presse de sa condamnation. Pour la représentante de la société, la complicité de Bruno Jacquelin est caractérisée par l’envoi du courrier à des journalistes.
En défense, Me Catherine Moissonnier, le courrier n’avait pas pour but d’être diffusé. "La lettre n’a jamais été diffusée sur le site de la fondation. Jusqu’à aujourd’hui, aucune trace n’a été trouvée. La lettre n’a été envoyée que dans certains médias. Des journalistes ont été interrogés dans la procédure et ils disent ne pas avoir publié le courrier, car ils ne l’avaient pas reçu et étaient dans l’incapacité de vérifier", plaide la robe noire. Le conseil fait la lecture de nombreux courriers adressés au préfet ou au ministère des Outre-mer l’actrice tient des propos injurieux envers les Réunionnais et rappelle que sa cliente n’a jamais été poursuivie pour ces lettres. "Cette lettre n’est accessible que via un lien qui n’est pas accessible au public. Il n’y a pas la preuve de la publicité de la lettre", conclut l’avocate.
La décision du tribunal correctionnel est attendue le 4 novembre. Les 5 parties civiles ont demandé, au total, 120 000 €.