L’avocat de la famille Caizergues Me Félix Allary avec son collègue Jean-Charles Teissèdre, travaillent depuis deux ans sur cette disparition. L’avocat du barreau de Montpellier, ancien chef de la brigade criminelle de Montpellier a ses hypothèses et souhaite que d’autres pistes soient creusées.
Félix Allary a une double casquette. En travaillant 10 ans au service régional de police judicaire de Montpellier, Félix Allary a mené diverses enquêtes. L’ancien chef de la brigade criminelle se laisse guider par son flair et émet diverses hypothèses. Aujourd’hui, le policier a revêtu la robe d’avocat et apporte un autre regard, quatre ans après la disparition de Mathieu Caizergues.
Votre expérience d’enquêteur peut amener un regard neuf sur l’enquête. Que dit votre flair d’enquêteur à la lecture de ce dossier ?
On a repris le dossier avec mon collègue il y a deux ans et l’on se bat depuis pour que les recherches reprennent. Aujourd’hui, c’est le cas. On souhaite qu’elles aboutissent sur quelque chose.
Les enquêteurs sont partis dans l’idée que le corps était en bas de la falaise. Ils ont tout axé là-dessus. Ils ont utilisé tous les moyens, je pense plus que pour n’importe lequel d’entre nous si on venait à tomber. Ils ont fait le maximum. Avec mon collègue, on envisage une autre piste, à savoir celle du maitre-chien qui n’a pas été suffisamment exploitée par les enquêteurs. On a commencé à faire une enquête de voisinage en descendant vers Saint-Paul, seulement deux mois plus tard. C’est justement en descendant vers Saint-Paul que le chien de race Saint-Hubert a remonté une piste.
Je considère en tant qu’ancien enquêteur que si durant ces deux mois il y avait eu des éléments qui auraient pu être trouvés par des promeneurs, ces derniers n’auraient pas fait le rapprochement avec l’enquête. À ce moment, on parlait seulement d’une chute. Je pense qu’on a dû perdre quelques éléments. Attention, je ne veux pas incriminer les gendarmes, ni les enquêteurs. Il y toujours la possibilité de faire certaines investigations que j’ai demandées. Seulement, je n’ai toujours pas de retour.
Disparation de Mathieu Caizergues : les recherches de l’extrême
De quelles investigations parlez-vous ?
On peut tout d’abord d’essayer de savoir si le téléphone utilisé par Mathieu Caizergues ce jour-là, n’a pas été trouvé et est utilisé par quelqu’un d’autre. On a les moyens techniques. Aujourd’hui, c’est une simple réquisition adressée aux opérateurs pour savoir si le téléphone est utilisé. Cela permet de prendre contact avec la personne qui utilise le téléphone pour savoir où elle l’a trouvé, si c’est le cas. Mais c’est une demande qui a été refusée. On peut toujours le faire 4 ans après. Ce téléphone n’a jamais été trouvé. On doit procéder par élimination dans une enquête. Tant qu’on ne fait pas les recherches, on ne peut pas fermer la porte de ce téléphone.
En second, il y a cette histoire où il envoie le selfie de son visage tuméfié à sa mère et à sa compagne, ce qui nous surprend c’est que le filtre Snapchat est sous les yeux. On ne peut pas voir si les yeux sont fermés ou non. Depuis deux ans je demande à ce qu’on saisisse un laboratoire de gendarmerie ou de police pour essayer d’effacer ce bandeau. Cela pourrait permettre de savoir s’il était conscient ou non et donc, savoir si c’est lui qui a pris la photo ou bien quelqu’un d’autre. En plus derrière, on ne voit pas de végétations, c’est étrange.
Le troisième point, c’est l’histoire du maitre-chien. Le chien de race Saint-Hubert quand il intervient est héliporté pour qu’il ne se fatigue pas. En remontant le sentier, il va au point de vue (là où sont les recherches actuellement) et puis continue le sentier. Pourquoi est-ce important ? Parce que quand ils sont descendus par ce sentier, il est établi par les témoignages des deux autres randonneurs qu’il n’a pas été au point de vue. Il voulait y aller mais les deux autres lui ont déconseillé. En revanche, en remontant, il y serait quand même allé, seul, à quelques centaines de mètres des deux autres. En haut du sentier du Maïdo, il va vers là où à l’époque, il y avait la voiture garée mais au lieu de s’arrêter, il trace vers la route de Saint-Paul, de manière franco. Dans les lacets, le chien trace et n’hésite pas. A un moment donné, ce chien traverse la route et va vers un restaurant où il monte vers une rampe handicapée et s’arrête devant la porte du restaurant puis redescend. Le restaurant est fermé en hiver austral. Cela semble correspondre au comportement de quelqu’un qui cherche des secours, qui frappe à la porte, voit qu’il n’y a personne puis redescend en direction de Saint- Paul. Ce qui est étonnant c’est qu’à l’entrée de Saint-Paul le maitre-chien prend l’initiative d’arrêter en disant que le chien était fatigué et qu’il faisait n’importe quoi.
Pourquoi le maître-chien, prend-il cette décision ?
Je ne sais pas. D’après les parents c’est aussi parce que le maitre-chien savait qu’il aurait les 8 kms à remonter derrière. Le maitre-chien n’a pas été auditionné afin de s’expliquer et de comprendre ce qu’il s’est passé. Il dit verbalement aux enquêteurs que le chien a dû prendre l’odeur de Mathieu en montant quand les autres étaient dans la voiture. Pour moi je pense que Mathieu Caizergues est sorti blessé du cirque et est redescendu par cette route. Il a pu faire du stop, être renversé par une voiture ou simplement fait une mauvaise rencontre.
Quatre ans après la disparition de Mathieu Caizergues, le mystère reste entier
Les recherches actuelles doivent donc permettre de fermer la porte de la chute ?
Oui et depuis le temps que l’on demande des actes. Le nouveau commandant de la section de recherches de la gendarmerie, à son arrivée à La Réunion, a décidé de se saisir le service central du renseignement criminel (SCRC) basé à Cergy-Pontoise et qui appartient au service judicaire de la gendarmerie. Le dossier a donc été envoyé au service spécialisé. Il nous a été rendu quatre mois plus tard. On a vu que le service central allait dans le même sens que nous. Ils demandaient que des vérifications soient faites en demandant l’autorisation au juge d’instruction qui a refusé car il voulait clôturer le dossier et a fait un avis de fin d’information. Nous sommes donc montés à la chambre de l’instruction pour faire remonter nos demandes. La chambre n’a toujours pas accepté les pistes du selfie, du maitre-chien et du téléphone.
Un nouveau juge d’instruction s’est saisi du dossier. Pensez-vous que vos demandes pourront être entendues cette fois ?
Pour le moment la nouvelle juge d’instruction n’a rien fait. Elle a seulement exécuté la demande de la chambre de l’instruction qui a demandé les nouvelles recherches. Je ne comprends pas pourquoi ils ne veulent pas qu’on récupère le téléphone. C’est dans l’intérêt de la manifestation de la vérité. Le gendarme et son ami ont une responsabilité morale énorme vis-à-vis de Mathieu Caizergues. La responsabilité pénale, ce sera au tribunal de l’apprécier ou non. Ce que je ne comprends pas c’est pourquoi ces actes que l’on demande depuis deux ans ne sont pas exécutés. Cela permettrait d’éliminer des hypothèses et d’avancer dans l’enquête.