Entre 2018 et 2019, un éleveur de bovins a réalisé des travaux pour faciliter l’accès de ses bêtes en plein cœur du Parc national, au niveau du fond de la Rivière de l’Est. On lui reproche, notamment, d’avoir coupé des arbres indigènes. Ce mardi, le tribunal l’a condamné à une peine d’amende avec sursis.
Sur le banc des prévenus se trouve le représentant de la SCEA élevage traditionnel du volcan, Gérard Bègue. D’après son avocat, Me Mickaël Nativel, son client est le "dernier des éleveurs traditionnels de la Réunion". "Je me suis rendu sur place et il habite dans un trou à rat. Il a fait ce choix de vivre en harmonie avec la nature. C’est un amoureux de la nature que vous jugez aujourd’hui", avance la robe noire.
De l’autre côté, le Parc national se constitue partie civile. En novembre 2018, un inspecteur de l’environnement constate que des travaux ont été réalisés sur une piste forestière de 1400 mètres, située au fond de la Rivière de l’Est. Ce passage est essentiel pour Gérard Bègue et les besoins de son élevage de 50 bovins. Suite aux pluies de 2018, l’éleveur ne pouvait plus amener un véhicule pour transporter ses animaux qui réalisent une partie du chemin en marchant.
Il considère être dans ses droits pour avoir reçu en 2015, l’accord de l’ONF. Avec son père et à l’aide d’une mini pelle, il élargit la piste et coupe une centaine d’arbres et arbustes endémiques (bois de rempart, fleurs jaunes, tamarins des hauts ...). D’après le Parc national, il faudra attendre 30 ans pour retrouver la même végétation. Pour rappel, le Parc national a été créé en 2007 et fait partie du patrimoine mondiale de l’UNESCO.
L’éleveur reçoit un rappel à loi et doit remettre en l’état la piste. Des travaux coutant 4240 €. Seulement, il ne les réalise pas et se retrouve aujourd’hui devant le tribunal correctionnel de Saint-Denis.
En 2019, il récidive et procède à des travaux d’élagage sur un sentier que ses bêtes traversent. Dans sa logique, il considère qu’il n’obtiendra jamais les autorisations. Il se trouve contraint de les réaliser par nécessité pour son activité. Le sentier est long de 4 km et 300 arbres ont été coupés. "Il faut trouver une solution pour le maintien de son activité. Seulement, elle est incompatible avec la charte du Parc, avance le conseil du Parc national. Ces travaux sont un désastre écologique". L’avocate demande deux fois 5000 € pour remettre en l’état la piste et le sentier.
Pour le parquet, il y a assez "d’éléments" pour condamner le prévenu. "La piste passe de 4 mètres de large à 6,5 m. Il y a bien des coupes d’arbres protégés", avance Amandine Dumas. Elle requiert une amende de 5000 € dont 2000 € avec sursis et deux amendes de 400 €.
En défense, la robe noire fournit l’autorisation de son client pour exploiter la zone. Elle date de 1955. "Mon client est face à une administration sourde et aveugle qui ne tient pas ses engagements. Depuis 2011, il est prévu qu’une commission ad hoc statue sur son exploitation", précise Me Mickaël Nativel.
Le conseil, en plaidant la relaxe, insiste : une condamnation est synonyme "du départ de la ruine" de l’élevage de Gérard Bègue."Il a touché au minimum pour les besoins de son exploitation. Il devra recommencer. S’il est condamné, il sera en récidive légale et les sanctions seront de plus en plus lourdes", ajoute le conseil.
De son côté, le prévenu se définit comme "un amoureux de la nature" qui essaye de faire son métier "le mieux qu’il peut". Le tribunal correctionnel a décidé de condamner le prévenu à une peine d’amende de 200 € avec sursis et à des amendes de 50 € pour les contraventions. Il devra payer un euro symbolique au Parc national et 800 € pour la procédure. Le Parc national a été débouté de ses autres demandes.