Un scandale écologique est jugé ce mardi 13 décembre au tribunal de Saint-Denis. Marie Sophie Caleteau, agricultrice, dénonce le versement de déchets écotoxiques, avant 2019, sur une parcelle située dans la réserve naturelle de l’Étang de Saint-Paul, la rendant inexploitable. Mises en cause dans la pollution du site, les entreprises Les pépinières du Théâtre et Recyclages de l’Ouest.
Marie Sophie Caleteau est agricultrice à Saint-Paul. En 2019, elle présente au département de La Réunion un projet d’aménagement d’une parcelle de trois hectares au cœur de la réserve de l’Étang de Saint-Paul. L’objectif : produire des légumes lontan bio avec des travailleurs en situation de handicap. “Dès que je me suis mise à piocher pour commencer à défricher la terre, j’ai découvert des déchets”, raconte-t-elle. Plastiques, tuyaux, clous, épandage, et des tonnes de broyats de palettes sont mis à jour par la maraîchère.
Immédiatement, Marie Sophie Caleteau alerte le département. Les autorités prévenues informent l’agricultrice que sa terre était auparavant exploitée par Les Pépinières du Théâtre, appartenant à l’entreprise Fages. Spécialisée dans les activités de jardinage et d’aménagement paysager, elle est suspectée d’avoir, pendant plusieurs années, pollué la parcelle en déversant jusqu’à 176 tonnes de broyats de palette. Ils proviennent de l’entreprise Recyclage de l’Ouest.
Ces palettes, originairement destinées à structurer du compost, sont offertes à l’entreprise Fages pour leur donner une seconde vie. Le fournisseur assure devant le tribunal qu’elles sont écologiques. Après analyses, elles se révèlent écotoxiques. “On a fait des erreurs par méconnaissance. C’est pour cela qu’on est ici aujourd’hui. Nous pensions être dans une démarche de recyclage vertueux”, se défend à la barre Patrice Fages, directeur de l’entreprise éponyme.
Le pot aux roses est découvert en novembre 2021 lorsque la régie de la réserve naturelle constate les déchets. Lorsque les gendarmes interviennent sur le site en décembre 2021, de nombreux résidus ont disparu sauf les palettes. Problème : la parcelle possède un point d’eau et avec les intempéries les détritus viennent polluer ce dernier. “Chaque fois que les palettes sont au contact de l’eau, elles libèrent de la toxicité que l’on retrouve en milieu naturel. C’est un véritable scandale écologique. c’est dramatique pour les espèces endémiques”, martèle maître Alain Antoine, avocat de la partie civile.
En effet, l’entreprise Recyclages de l’Ouest est entendue par les forces de l’ordre pour déterminer la toxicité des palettes. Rebondissement, le document d’analyse fourni se révèle être un faux. Devant le fait accompli, la responsable de l’entreprise admet avoir falsifié le document.
Lors de l’audience maître Antoine, dénonce “une mafia des déchets à La Réunion qui est en train de s’organiser comme il en existe sur la Côte d’Azur. L’objectif est de trouver une solution pour écouler des déchets encombrants.”
Une fois l’alerte donnée, le département interdit à l’agricultrice de poursuivre son activité. Aujourd’hui, Marie Sophie Caleteau demande à la justice des dommages et intérêts. “J’attends que la justice mette les choses à plat avec tout ce qui se passe au niveau du délit environnemental. Que des enquêteurs se déplacent et relèvent ce qui est en cause, car il y encore des déchets enfouis.”
La substitut du procureur est inquiète également pour cette zone protégée : “c’est la plus grande zone humide du littoral des Mascareignes avec un grand cahier des charges. Par exemple, on ne peut pas y entreposer de déchets. En mars 2022, les broyats ne sont toujours pas retirés. Je requiers 30 000 euros d’amende pour la société des Pépinières du Théâtre, 15 000 euros d’amende pour les Recyclages de l’Ouest et six mois de prison avec sursis pour la responsable de l’entreprise.”
L’avocat de l’entreprise des palettes réfute l’accusation de “mafia des déchets.” La maladresse est plaidée ainsi qu’une dispense de peine “avec la clémence du tribunal.” Du côté Fages, c’est l’ignorance sur la dangerosité des palettes qui est plaidée. “Il n’y a pas de lien entre le dépôt des matières premières et l’atteinte à l’environnement.” Pour prouver sa bonne foi, il montre le banc des parties civiles vide : “Ni la réserve naturelle, ni le département, ni d’associations de défense de l’environnement ne se sont constituées parties civiles.” Ce que regrettent en effet Maître Antoine et Marie Sophie Caleteau.
Le délibéré est attendu le 31 janvier 2023.