Il est 20 heures au tribunal de Saint-Pierre ce jeudi 15 septembre lorsque l’affaire Eddy Métro est jugée. L’accusé est en fuite après s’être évadé de prison le 9 juin dernier, mais les victimes sont bien présentes. Entre la peur et l’état de choc permanent, elles acceptent de témoigner sur leur "nuit d’horreur".
Le 27 novembre 2020, la soirée n’est pas calme au 23ème kilomètre dans le secteur de la Plaine des Cafres. Eddy Métro, un des voisins, est en état d’ébriété et empêche la rue de dormir. Dimitri Lauret, vit dans la maison d’en face et lui demande de se taire. Ce dernier l’informe qu’il va appeler la police pour tapage nocturne. C’est à ce moment que la soirée bascule et prend un tout autre tournant aux alentours de 22 heures. "Très énervé par la remarque de mon mari, Monsieur Métro est parti de chez lui. Sa femme a essayé de le calmer. Il lui a répondu : soit je te tue. Soit c’est Dimitri. Alors il est venu armé chez nous", témoigne sa voisine Madame Lauret.
À 22h45, Eddy Métro traverse la rue. Il escalade le balcon et se met à tirer à trois reprises dans la baie vitrée et tente d’entrer dans la maison. La famille a à peine eu le temps de fermer les portes de sa maison et de se réfugier à l’étage. "J’avais mon bébé de quatre mois dans les bras. On a appelé la police en même temps. J’ai eu très peur. À un moment je me suis demandée : vais-je être veuve ? Mes enfants seront-ils orphelins ?"
23 heures. La police arrive. Le voisin a pris la fuite. Il est arrêté quelques mètres plus loin complètement ivre. De nombreuses armes sont retrouvées dans son véhicule : deux semi-automatiques, un fusil de chasse, une carabine à lunettes et de nombreuses munitions. Il expliquera aux forces de l’ordre : "J’ai bu beaucoup de rhum arrangé et j’ai invoqué la sorcellerie. Je vais chercher de la force sur la tombe de Sitarane."
Eddy Métro n’est pas inconnu des services de police. Avec déjà cinq condamnations à son actif notamment pour refus d’obtempérer et vol avec violence. Il est incarcéré en novembre 2020 pendant quatre mois et a interdiction de revenir dans le secteur de la Plaine des Cafres. Il n’en tient pas compte et retourne régulièrement à son domicile pour venir voir sa famille.
En novembre de la même année, il s’en prend à d’autres voisins, le couple Clain. Ils se plaignent du tapage nocturne, ce qui irrite à nouveau Eddy Métro. Il traverse la rue et pointe son arme sur la famille des Clain présente ce soir-là. "On a appelé la police, elle n’est pas venue. On a dû attendre un contrôle routier le 6 mai 2022 pour qu’il soit arrêté", témoigne le couple. Eddy Métro retourne en prison, mais s’évade le 9 juin 2022 de la prison de Saint-Pierre. "On ne sait pas par quel mystère, ironise la procureure de la République, quand on a un tel fou furieux dans la nature... ça fait peur. C’est un dossier maudit."
Ce jeudi 15 septembre, face à la juge, les victimes sont toujours sous le choc et vivent dans la peur. "Il a dit qu’il viendrait terminer ce qu’il a commencé", témoigne impuissant face à la situation, Dimitri Lauret. L’ancien chauffeur poids lourd n’a pas pu reprendre le travail depuis deux ans. Sa femme, infirmière libérale, continue le sien "mais je suis toute la journée au téléphone avec mon époux. J’ai peur pour les enfants. Avant on les emmenait à l’école à pied. Aujourd’hui c’est en voiture. On sait qu’il rôde dans le quartier. On a vu plusieurs fois son véhicule garé chez lui, et sa femme est enceinte de quelques mois."
Eddy Métro est condamné par défaut ce jeudi 15 septembre après plus d’une heure d’audience à trois ans de prison ferme accompagnés de deux ans de sursis. Un deuxième mandat d’arrêt est délivré à son encontre. Les victimes attendent toujours l’arrestation de leur ancien voisin pour pouvoir tenter de vivre à nouveau.
Carla Bucero Lanzi