Des faits de fraude électorale ont éclaté lors des élections municipales de l’Étang-Salé en 2020. Cinq fonctionnaires ont comparu devant le tribunal ce jeudi, soupçonnés d’avoir altéré les résultats du second tour des municipales. Lors de la divulgation des votes, Jean-Claude Lacouture a battu son adversaire Mathieu Hoarau d’une voix. Ils risquent 4 mois de prison avec sursis, un stage de citoyenneté, des amendes, une peine d’inéligibilité et une interdiction de vote. Le verdict sera rendu le 14 août 2023.
Ce jeudi 6 juillet, cinq fonctionnaires comparaissent devant le tribunal correctionnel de Saint-Pierre pour avoir altéré les résultats du vote lors des élections municipales de l’Étang-Salé en 2020. Les faits qui leur sont reprochés se sont produits le 28 juin 2020, lors du second tour de l’élection. Jean-Claude Lacouture a remporté l’élection face à Mathieu Hoarau avec seulement une voix d’écart. Suite à un recours, le Conseil d’État avait annulé l’élection du précédent maire.
L’organisation du scrutin avait été complexe en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19. Après la clôture du vote, deux bureaux de vote ont constaté un nombre d’enveloppes supérieur au nombre de bulletins. En effet, le bureau 1 a enregistré 524 signatures pour 531 enveloppes, soit 7 enveloppes de plus. Quant au second bureau, 703 enveloppes ont été répertoriées pour 702 signatures, soit 1 enveloppe de plus. Face à ces constatations, la proclamation des résultats a été suspendue et les fonctionnaires ont décidé de recompter les voix non pas dans le bureau centralisateur, mais dans le bureau électoral, où une vingtaine de personnes étaient enfermées à clé, à l’abri des regards. Les cinq fonctionnaires étaient tous présents et ont procédé à un nouveau décompte. Les bulletins de vote ont ensuite été mis sous pli, scellés et transportés à la sous-préfecture. Cependant, lors du décompte effectué par la sous-préfecture, le nombre de votes inscrits dans le bureau 1 correspondait au nombre d’enveloppes, soit 524 signatures pour 524 enveloppes. « C’est très mystérieux, nous ne parvenons pas à obtenir un décompte précis », a déclaré Maître Gangate, l’avocat du DGA à la fin du procès.
Le tribunal administratif a examiné les éléments fournis par ces deux bureaux et n’a pas prononcé la nullité des votes, tout en élargissant le décompte aux procurations. À la barre, le juge a interrogé Jocelyne Moriscot la responsable du bureau électoral : « Comment se fait-il que vous parliez de 524 votes alors que vous parliez de 531 votes lors de l’élection ? ». La responsable a expliqué que cela était dû à un oubli de comptage d’une page et qu’un morceau de colle s’était déposé entre deux feuilles lors du décompte. Cependant, il a été constaté qu’il n’y avait aucune trace de colle sur les feuilles. Un agent de police municipal, également convoqué, a témoigné à la barre qu’il avait été appelé à entrer dans le bureau électoral pour prendre des photos des résultats en cas de contestation pour fraude électorale. Le jour de l’élection, un certain nombre de personnes soutenant Lacouture s’étaient réunies dans ce bureau, comme l’a indiqué la responsable du bureau électoral. Elle a également déclaré que c’était généralement elle qui préparait les enveloppes. L’opposition était palpable lors de ce scrutin, et Alain Kichenapanaidou, Directeur Général de la Sécurité en 2020 a également témoigné qu’il lui avait été demandé de prendre des photos en cas de suspicion de fraude.
L’avocat de la défense, Maître Antoine, a trouvé cela inhabituel que le dépouillement se soit déroulé à huis clos, à l’abri du regard du public. Joseph Dexporte, l’ex Directeur de la Gestion Administrative, également présent, a expliqué durant l’audience que c’était sa première année à ce poste et qu’il avait pour mission d’assurer le bon déroulement du scrutin. Il a évoqué les problèmes liés aux procurations qui n’avaient pas été acheminées à l’Étang-Salé et a pris la décision de déplacer les plis du bureau centralisateur au bureau électoral en raison des mouvements et des tensions. La fatigue, les pressions et les tensions extérieures ont contribué à un risque d’annulation. Laura Corré, une conseillère municipale, présente dans le bureau de vote du Maniron, a déclaré qu’elle était restée 15 minutes dans le bureau électoral et a constaté un nombre de votes différent du compte officiel. Elle avait pourtant compté 531 voix. « Peut-être avons-nous commis une erreur de notre côté. L’exercice n’est pas simple, nous comptons et recomptons pour obtenir le bon résultat », a-t-elle expliqué timidement.
« C’est une bande de guignols qui ont tenté de voler une élection. Le Conseil d’État a annulé l’élection, fort heureusement. C’est un clan qui est prêt à tout pour s’attacher au pouvoir et pour faire taire les électeurs. On parle ici d’une médiocrité, un type de comportement grave pour la démocratie réunionnaise », s’exclame Maître Antoine, avocat de la ville d’Étang-Salé. Il ajoute que le Pacte Social Républicain a été piétiné par les 5 personnes. Le Procureur a qualifié ces actes de frauduleux, se référant à l’article 68 du code électoral, soulignant que les plis n’avaient pas été transmis directement à la sous-préfecture, mais avaient été amenés dans une pièce préalablement fermée. Le procureur a ajouté que les accusés connaissaient l’écart des votes et que leurs actes frauduleux devaient être réprimés.
Le procureur requiert 4 mois de prison avec sursis, un stage de citoyenneté à effectuer dans un délai de 6 mois et des amendes de 700 € pour Joseph Dexport, l’ancien DGA , le policier municipal et Alain Kichenapanaidou l’ancien DGS . Jocelyne Moriscot, responsable du bureau électoral et Laura Corré, conseillère municipale se voient infliger une amende de 400 €. De plus, une peine d’inéligibilité et une interdiction de voter pendant 3 ans sont également requises à leur encontre.
Maître Normane Omarjee, avocat de la défense, a fait valoir qu’il y avait eu une pression exercée par Mathieu Hoarau et a affirmé que les infractions n’étaient pas avérées. Il demande la relaxe de sa cliente Laura Corré. Maître Djalil Gangate, avocat d’Alain Kichenapanaidou explique que c’est un dossier très particulier, extraordinaire à tous égards, et que l’enquête a manqué de rigueur. Il rappelle que le tribunal n’a fait référence à aucune loi ni arrêté préfectoral, mais uniquement à l’article 68 du code électoral qui mentionne les bureaux des mairies. « De plus, il n’y a pas de preuve que les personnes présentes dans le bureau électoral n’étaient pas de l’opposition, car il y a un secret de vote », plaide-t-il en demandant la relaxe pour son client. Maître Nativel, l’avocat du policier municipal, estime qu’ils méritent tous la relaxe, car les éléments légaux ne permettent pas de les condamner.
Le verdict sera rendu le 14 août à 14h.
F.D.