Derrière son groupe de réflexion, intitulé "Fudakmi", Jean-Christophe A-D. a opéré dans l’ombre pour abuser de ses fidèles et leur argent. Plus d’un million d’euros ont été saisis par les enquêteurs. Ce mercredi après-midi, il a été mis en examen et placé en détention provisoire après 46 ans d’abus.
La maison de l’association "Fudakmi" (Fraternité universelle des anciens Khrasts mystiques initiés) est bien gardée. Des chiens empêchent les visiteurs de se rendre au 69 chemin Ceinture, à Sainte-Anne. Ils sont même "lâchés" en direction des plus curieux.
Visiblement, l’association, qui a pour but "d’enseigner le mysticisme philosophique et la psychologie spirituelle, travailler au perfectionnement de ses états spirituels et ceci par l’étude de la philosophie, du mysticisme et de la théologie", cherche à rester discrète.
Cette prudence semble avoir payé durant 46 années pour Jean-Patrick A-D., le gourou présumé, celui qui se cache derrière l’association "Fudakmi". Âgé de 67 ans, il n’apparait pas sur les statuts de l’association mais tire les ficelles en toute discrétion.
Des fidèles de niveaux sociaux variés et "des gens appartenant à la classe moyenne, y compris des personnes avec des professions dites intellectuelles", selon le procureur, font des donations financières au gourou présumé. Les victimes sont nombreuses comme le montre le défilé de voitures au siège du groupe de réflexion. Derrière les grilles, les adeptes participent à des "cérémonies folkloriques", notamment dans un temple orné d’or. Le groupe de réflexion mute rapidement en secte et l’aspect financier prend le dessus. Jean-Patrick A.D., en profite, tout comme son patrimoine immobilier, après des dons, s’agrandit.
En arrêtant, le 14 juin dernier, le gourou présumé, les policiers de l’Office Central pour la Répression des Violences aux Personnes (OCRVP) et les gendarmes de la brigade de recherches de Saint-Benoît ont donné un coup d’arrêt à ces pratiques sectaires. Lors de la perquisition, 600 000 euros en liquide sont découverts et saisis comme les 400 000 euros sur ses comptes bancaires.
Pour duper ses nombreuses victimes et assoir son emprise, Jean-Patrick se fait appeler "le grand monarque divin" et affirme être un "Dieu guerrier scandinave" ou encore être la réincarnation d’un "Maître hindou d’origine finlandaise". "Il a comme volonté de créer une famille divine. Son discours est préoccupant", indique le procureur de la République, Éric Tufféry.
Son emprise est grande. Le sexagénaire aurait persuadé des adeptes de lui donner leur nourrisson. Les enfants nés sous X étaient par la suite adoptés par Jean-Patrick A-D..
À l’issue de 48 heures de garde à vue, il a été présenté à la justice ce matin. Le gourou présumé est mis en examen pour abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse, blanchiment aggravé et exécution de travail dissimulé par personne morale. Une information judiciaire a été ouverte. Le débat devant le juge des libertés et de la détention s’est déroulé à huis clos, à la demande de son avocat Me Nicolas Normand pour "apaiser les débats et laisser l’instruction avancer". La robe noire rappelle que de nombreux éléments sont déjà dans la presse et que son client qui "risque cinq ans de prison", n’a pas de casier judicaire.
Dans le bureau du juge et escorté par les policiers, le gourou présumé semble dépassé. Au premier regard, Jean-Patrick A-D. n’a pas le charisme d’une divinité nordique, hormis ses yeux bleus et sa chevelure. Il est de taille moyenne et ressemblre à citoyen lambda. Habillé d’un veste en jeans bleue et d’un pantalon de la même couleur, le sexagénaire prend le temps de lire les papiers lui signifiant sa détention provisoire. Jean-Patrick A-D., aux cheveux gris-jaune et coiffés en arrière, pose délicatement ses lunettes et poursuit sa lecture. Escortés par les policiers, il a rejoint sa cellule à Domenjod en milieu d’après-midi, ce 16 juin.
En 2019, un fidèle est parvenu à couper les liens et a brisé le silence. Le procureur invite les adeptes qui auraient été spoliés à se faire connaître.