De nombreuses personnes cherchent à ne plus avoir leur nom lié à certains résultats sur les moteurs de recherches. Que peuvent-ils faire pour faire valoir leur droit à l’oubli ?
L’utilisation d’Internet s’est démocratisé au fil des années. Les outils développés permettent au plus grand nombre à accéder à une multitude d’informations diverses et variées.
Certains contenus sont cependant désirables pour des personnes concernées. Il peut s’agir de photos volées, des images où l’on apparaît et qui sont publiées sans consentement, ou encore l’apparition d’un nom à tort ou à raison dans une affaire judiciaire.
Valérie Burnay, chargée de communication digitale à la Cité des Arts et des métiers, explique : "Avec la liberté de la presse, il est très difficile à partir du moment où l’on a une condamnation pénale, d’enlever le nom et le prénom, parce qu’il y a eu un jugement."
Elle détaille la procédure : demander au webmaster du site d’enlever son nom : "ce qui s’avère très compliqué", commente-t-elle. Les personnes peuvent alors se tourner vers la Commission nationale de l’informatique et des libertés. "Si la CNIL prend votre dossier, il faut faire des captures d’écran des sites, il faut un argumentaire", ajoute la spécialiste, "beaucoup de plaintes ont été rejetées par la commission européenne parce que ça fait partie de la liberté d’expression."
Les personnes qui veulent faire enlever leurs noms de sites Internet d’information ou des réseaux sociaux peuvent aussi se tourner vers les moteurs de recherches comme Google ou Bing. "On peut demander aux moteurs de recherches de retirer l’association du nom et prénom de la personne aux résultats. C’est souvent cela qui pose problème. Le déférencement est pour l’instant européen", détaille Sulliman Omarjee, juriste spécialisé en propriété intellectuelle.
Alors pour ne plus voir son nom parmi les résultats indésirables reste à les remplacer par des nouveaux contenus. "On peut recourir à des sociétés techniques qui vont créer du contenu et repousser le contenu infâmant", explique-t-il.
Dans l’exemple de l’enfant d’une personne dont le nom apparaît dans des articles dont l’impact sociétal est négatif, "On peut créer sa vie numérique avec du contenu qui passe devant les articles sur l’affaire dans les moteurs de recherche", ajoute Valérie Burnay.
"Il y a plusieurs personnes qui ont pu être indiqués dans un résultat et qui sont fondés à demander la modification de ce résultat. Je n’ai pas eu de personnes qui sont partis jusqu’au bout. Des plaintes ont été faites auprès de la CNIL", rappelle le juriste spécialisé en propriété intellectuelle.
Un homme condamné à de la prison pour des faits de viol a purgé sa peine. Pour se réinsérer dans la société, il se bat aujourd’hui pour voir son nom retiré des publications sur Internet au sujet de l’affaire.
"J’ai envoyé des e-mails en expliquant ma situation parce que mon nom et prénom étaient mentionnés dans les articles et que ça me posait des problèmes que Google avait déjà référencé", explique-t-il. "Cela s’est bien passé avec les site Internet, mais le plus difficile est Google, car le réferencement reste. Il y a un formulaire. Une moitié des demandes sont acceptées mais les résultats ne disparaissent pas. J’ai aussi contacté la CNIL."
L’homme explique les difficultés qu’il rencontre au quotidien : "J’ai fait plusieurs demandes d’ouverture de comptes bancaires. Je présume que ces personnes-là font des recherches et que vous essuyez un refus qui n’est pas justifié. Je suis salarié, on me demande un compte bancaire. J’ai ouvert une petite société, j’ai besoin d’avoir un compte professionnel."
L’ancien détenu évoque aussi sa fille. Il appréhende le moment où elle trouvera sur Internet les publications sur sa condamnation : "On sait comment sont les enfants. Tout le monde a accès à Internet. J’ai une petite fille qui est discrète, qui sait peut-être déjà. Mais je sais que c’est quelque chose qui va arriver. J’essaie de faire disparaître mon nom et prénom."
Certaines personnes souhaitent disparaître d’Internet pour que les multinationales ne puissent pas trouver et utiliser des données sur eux. Les entreprises de moteur de recherches et de réseaux sociaux compilent des informations qui peuvent alors servir à des fins commerciales notamment.
Valérie Burnay, chargée de communication digitale à la Cité des Arts et des métiers, explique : "La procédure est très très longue pour se faire oublier des réseaux sociaux sur Internet. La priorité sont les données personnelles, les entreprises travaillent énormément et se font un vrai chiffre d’affaires sur nos données. La problématique aujourd’hui est que toutes ces données sont multipliées."
Pour ce qui est de faire disparaître son nom des articles sur Internet ou des sites non désirables, la législation va changer.
"La loi informatique et liberté est complètement bouleversée avec un texte européen, le règlement général sur la protection des données. Il y a plus de garanties et cela impose une responsabilité des sites Internet puisqu’il n’y aura plus de demandes d’autorisation auprès de la CNIL. Si l’affichage d’un nom ne correspond pas au règlement, le site est responsable", conclut Sulliman Omarjee, juriste spécialisé en propriété intellectuelle.