L’Union des femmes réunionnaises déplore des cas de "sexisme" de la Justice et prend comme exemple le témoignage de Sylvie qui après avoir quitté son conjoint violent s’est faite retirer la garde de ses enfants.
L’Union des femmes réunionnaises (UFR) met la lumière sur le cas de Sylvie : une femme qui a quitté la violence de son concubin et à qui la Justice a enlevé la garde de ses enfants.
L’UFR explique qu’il s’agit là d’une situation qui découle du "sexisme" qui se fait sentir dans la société et parfois aussi dans les décisions de Justice.
S’élever contre la violence
Sylvie raconte qu’elle n’avait rien vu venir : "Nous étions en concubinage déclaré. Je n’aurai alors jamais imaginé qu’il puisse me frapper."
Il y a trois ans, son conjoint la frappe : "En 2013, il me donne ’un coup de boule’. Il me fracasse le nez. Il a été condamné à un simple rappel à la loi. Il n’était pas content parce qu’il allait falloir sortir un petit peu trop d’argent pour payer le salaire de l’employée de maison et les charges patronales."
Suite au coup violent, la mère de famille s’est vue délivrer 11 jours d’interruption temporaire de travail.
“Après cela, il ne se passe rien. Il emmène les enfants en victimologie parce qu’il prétend que je les maltraite physiquement et psychologiquement. Aucun rapport n’est fait, aucune suite n’est donnée.”
C’est alors que la mère de famille décide de faire des choix : “Je me retrouve à errer avec toutes ces violences au quotidien. Au final, je fais une demande d’ordonnance de protection parce qu’il n’a eu qu’un simple rapport à la loi. Cette requête n’aboutit pas parce qu’il s’engage à quitter le domicile familial le jour-même. Il ne le fait pas et je n’ai aucun recours car nous étions pendant les vacances judiciaires et qu’aucun document ne me permet d’aller à la Gendarmerie.”
La Justice se retourne contre elle
“Systématiquement, le fait que j’ai fait cette demande qui n’a pas aboutie, se retourne contre moi. Et puis, à ce moment-là, la Juge des affaires familiales qui estime que la personne qu’elle rencontre ce jour-là n’est pas celle qu’elle a rencontré plus tôt, ordonne une enquête sociale, pitoyable à mon encontre.”
“L’enquête sociale se déroule plus ou moins bien. Elle pose des questions intimes, je réponds malgré tout parce que je n’ai rien à cacher. Je ne pensais pas que ce que je disais allait être transformé et utilisé contre moi.”
La garde des enfants retirée
“Le 7 mars 2016, le juge rend sa décision et quelques jours après, j’apprends par téléphone que mes enfants me sont retirés. C’est une chose impensable. C’est indescriptible. C’est la pire chose qu’on puisse faire à une femme.”
“On me les retire pour abandon matériel et moral alors que l’enquête sociale est entachée d’erreur parce que les personnes mentionnées attestent ne pas avoir dit ce que l’assistante sociale rapporte d’eux.”
“Ce rapport mentionne quelques retards à l’école de 4 à 7 minutes le matin, beaucoup d’attestations de la nouvelle compagne de mon ex-conjoint qui dit que mes enfants sont sales, qu’elles sont mal habillées avec des vêtements étriqués.”
Victime de sexisme ?
“Je crois que la première chose et ça perturbe énormément les juges, c’est qu’en tant que femmes, nous sommes des êtres sensibles et il nous est difficile de cacher nos émotions. Quand nous sommes attaquées au coeur de notre être, nous exprimons nos émotions, notre douleur et ça fait très très peur. Puis, il y a tous les stéréotypes : c’est le quotidien, on entend les remarques tous les jours."
Evelyne Corbière, secrétaire générale adjointe de l’Union des femmes réunionnaises explique que ce cas est commun : “C’est une histoire très délicate, très douloureuse et qui a tendance à se répéter. Beaucoup de femmes se retrouvent dans ces situations là. Une fois que la femme a décidé de quitte le foyer violent, elle est jugée sur des préjugés et stéréotypes sexistes qui l’accusent de ne pas remplir ses responsabilités de mère.”
Elle ajoute : “C’est toujours le même standard. La femme doit être parfaite, un foyer parfait, une maison parfaitement tenue. Une femme qui a décidé d’élever seule les enfants a le devoir et tout cela, on le lui réclame. Ce sont des questions qu’on ne demandera pas à une femme en couple.”
“On est moins sévère à l’homme, on excusera le panier à linge qui déborde, la vaisselle dans l’évier. Ce qu’on ne pardonnera pas à une femme. Elle sera jugée là-dessus.”