Le Collectif des associations Sea Sheperd, Aspas, Fondation Brigitte Bardot, Longitude 181, Tendua, Requin Intégration, Sauvegarde des Requins et Vagues se fendent d’un communiqué au sujet de la pêche aux requins, pointant du doigt le comité régional des pêches.
Sur une belle affiche papier, façon appel du 18 juin, le comité régional des pêches fait lancer à quelques uns de ses obligés un magnifique appel à mobilisation (JIR, 6/05/15).
Aux armes citoyens, la patrie réunionnaise est en danger ! Il faut partir en guerre contre ces diaboliques requins qui viennent jusques à nos canots, dévorer nos prises, nos appâts…..
On passera sur les contorsions du discours.
En 2012, dans un article de la Dépêche (8/08/12), les pêcheurs nous expliquaient que les réunionnais ne mangeaient pas de requin. L’article nous offrait même cette perle (http://www.ladepeche.fr/article/2012/08/08/1415354-les-reunionnais-ne-veulent-pas-du-mangeur-d-hommes-dans-leur-assiette.html) :
« Président du Comité des pêches de la Réunion, Jean-René Enilorac a été le premier à plaider pour la levée de l’interdiction de la vente du requin bouledogue, en vigueur depuis 2009. (…) M. Enilorac reconnaît que la chair du bouledogue n’"attire pas beaucoup les consommateurs" et que l’animal ne "vaut pas la peine d’être pêché sans subvention", en raison d’un prix très bas à 1 ou 2 euros le kilo. Il entend malgré tout "l’éliminer parce qu’il bouffe tous nos poissons sur nos lignes". "On verra après, si les réunionnais veulent en manger ou pas", ajoute-t-il. »
Et on nous explique maintenant que ces requins - dont personne ne voulait de toute façon et dont la pêche n’était pas rentable - se sont mis à pulluler lorsque leur consommation a été interdite. La logique même, mon cher Watson…..
Il faut dire qu’entre-temps la pêche du requin est devenue une activité très rentable….à grand renfort de subventions. Les heureux élus choisis par le comité des pêches ont bénéficié d’une rente de 50 euros de l’heure pour pêcher pour leur propre compte. Il leur suffisait de larguer une bouée avec un hameçon appâté pendant qu’ils pêchaient par ailleurs, comme d’habitude. Et si un requin mordait à l’hameçon, ils touchaient en sus un jackpot de 900 euros.
Une autre perle, ce témoignage d’un « proche du comité des pêches » suite à la capture de 5 requins tigres dans la seule journée du 19 avril (JIR, 22/04/15) :
« La priorité, c’est censé être le bouledogue. Mais les gars préfèrent pêcher du tigre. Ils savent à peu près où ils sont. Ils en prennent un ou deux de 400 kilos et ils se mettent 1000 à 1500 euros dans la poche en une seule nuit. S’ils devaient prendre des bouledogues, ça leur prendrait des semaines pour récolter autant d’argent ». Elle est pas belle la vie ?!
Quant au représentant de l’Etat Nicolas Le Bianic, il « reconnaît à demi-mot que le dispositif de financement n’est pas adapté ». Sans rire….
Faut-il rappeler aussi qu’en décembre 2014, si le programme de pêche CapRequin s’est arrêté brutalement, c’est tout simplement faute…..de subventions ?
Les 600 000 euros supplémentaires que l’on s’apprête à dépenser pour CapRequin 2 seront distribués à des pêcheurs qui deviendront là encore les obligés du comité des pêches, chargé de distribuer "l’arzent rékin".
Pour satisfaire les exclus mécontents, on vient de doubler le nombre de pêcheurs habilités.
Le Quotidien du 21/04/15 nous rapporte aussi une « incitation sonnante et trébuchante : le paiement d’un forfait carburant qui s’ajoute au paiement au kilo des éventuelles prises. Une avancée significative puisque la possibilité de rentrer bredouille, sans aucun revenu, freine les ardeurs des professionnels pour participer à la réduction du risque requin » (sic).
Et il se dit maintenant que les conditions ont encore été améliorées : c’est près de 2000 euros qui peuvent être attribués pour une seule journée de pêche. Sans compter évidemment les prises "accessoires" conservées par les pêcheurs.
N’en jetez plus, la cour des pêcheurs est pleine (d’euros) !
On ne s’étonnera pas si certains bénéficiaires de "l’arzent rékin" sont prêts à jurer que les eaux réunionnaises sont infestées de requins, et que le requin était la nourriture de base des réunionnais avant que sa commercialisation ne soit interdite en 1999. Allez, encore une petite rallonge et on en trouvera prêts à jurer mordicus qu’ils ont été élevés au lait de requin.
On ne s’étonnera pas non plus que les signataires de cet appel soient les obligés du comité des pêches, les mêmes qui bénéficient des 600 000 euros de "l’arzent rékin".
Quelques exemples parmi d’autres, dans ce tissu de propagande :
ils prétendent que les requins « prolifèrent aux abords des côtes du littoral ouest ».
Les pêcheurs inféodés aux programmes ciguatera et CapRequin ont été incapables d’atteindre le quota fixé de requins bouledogues, malgré les centaines de milliers d’euros dépensés.
Des bouledogues diaboliques qui, selon eux, pullulent et bouffent tout sur leur passage ….sauf les appâts officiels.
Alors, soit l’invasion n’existe que dans leur tête, soit il faut faire appel à un exorciste.
ils affirment : « Au milieu des années 90 (…) Il nous arrivait à tous de pêcher du requin, toutes espèces confondues, car leur chair commercialisable était appréciée des réunionnais ».
Tout le contraire de leurs déclarations de 2012. Pire : ils se contredisent eux-mêmes en reconnaissant dans leur appel : « Depuis toujours, les poissons pélagiques, thons espadons, marlins ainsi que les poisssons de fond, vivaneaux et autres mérous, sont nos cibles car ils correspondent aux attentes de notre clientèle ». Bizarre, vous ne trouvez pas ?
ils prétendent encore : « (…) nous n’avons aucun intérêt à faire de la pêche aux requins
notre métier, la valeur marchande des pélagiques et des poissons de fond que nous voulons pouvoir de nouveau capturer est sans comparaison ».
L’intérêt financier a été largement exposé. Pour le reste, on comparera avec cet extrait du Quotidien du 27/07/13 à propos du lancement de la 2ème campagne de pêche ciguatera :
« Pour les pêcheurs, cette campagne financée par l’Etat est suffisamment lucrative pour songer à abandonner toute autre activité. "Ça rapporte plus que de chasser l’espadon ou le thon" indique l’un d’eux ».
De l’art d’affirmer une chose et son contraire avec le même aplomb.
Bizarre, bizarre. Comme c’est bizarre…...
Au final, la fameuse "gestion" du risque requins par le comité régional des pêches est devenue une sombre histoire de fric.
Alors nous demandons au dit comité de produire publiquement :
- la liste nominative des pêcheurs qu’il a habilités pour cette croisade anti-requins,
- les conditions financières très avantageuses qu’il offre à ses heureux élus,
- ainsi que le budget détaillé de CapRequin 2.