Moins de trois semaines avant le premier tour des élections départementales, le politologue Yvan Combeau présente les enjeux de ce scrutin. Selon lui, "le premier enjeu se nomme participation". Explications.
Carte blanche à Yvan Combeau
Les enjeux du premier tour des départementales
Dans moins de trois semaines, les premières élections départementales se déroulent dans la quasi-totalité de la France. Elles vont se lire dans le même temps comme un test national et une multiplication d’enjeux départementaux.
A l’échelle nationale, ces élections constituent un événement d’importance pour l’exécutif, l’opposition et toutes les forces de l’échiquier politique.
L’implication du premier ministre souligne s’il en était besoin sur la valeur politique de ces scrutins. Par-delà les indications des sondages hebdomadaires, des élections partielles, l’expression du suffrage universel sera un indicateur primordial sur l’état de l’opinion.
Les élections vont apporter des réponses précises à nombre de questions : Combien de Français se rendront aux urnes ? Quelle est l’exacte impopularité du gouvernement, du chef de l’Etat ? Quelle est la dynamique du Front national dans les départements ? Quel est le poids de l’UMP ? Quelle représentation pour la gauche de la gauche ? etc….
Sur le plan départemental, voyons les premiers enjeux de ces élections à La Réunion.
Abstention
Le premier enjeu se nomme participation. Dans un contexte marqué depuis plusieurs années par l’augmentation régulière, graduelle, de l’abstention, ces scrutins locaux offrent une nouvelle estimation des rapports des Français avec le vote et notre société politique. La distance, les défiances observées sont elles toujours aussi prégnantes ? Doit-on se préparer à des analyses électorales avec l’absence d’un électeur sur deux, voire plus c’est à dire proche de 55% ? L’abstention-sanction préfigure probablement la confirmation de l’éloignement d’un électorat « déçu », voire « trahi ».
A l’évidence, les modifications du mode de scrutin, le remodelage des circonscriptions et la création des binômes paritaires viennent compliquer l’approche d’une partie du corps électoral et sceller les perplexités dans le comportement électoral.
Un imposant phénomène abstentionniste aura des effets directs sur les résultats. Ainsi même lors des situations où ne se présentent que deux, voire trois binômes, l’élection n’est pas assurée de se jouer dès le premier tour (22 mars).
Pour être élu, il faut non seulement réunir 50% des exprimés mais aussi 25% des inscrits.
Les Enjeux personnels
Paradoxales élections départementales puisque les compétences des futurs élus ne sont pas encore connues. Aucun texte législatif n’a été approuvé. Aucun texte législatif ne définit réellement les domaines sur lesquels devront intervenir les conseillers départementaux. Des lignes ont été fixées mais rien n’est écrit.
Pour le dire simplement nous allons élire des conseillers départementaux sans que leurs champs de compétences ne soient parfaitement précisés, limités. Comment dès lors réaliser des programmes électoraux.
Ce sont bien les candidats/candidates qui vont concentrer une large part des enjeux plus que les programmes faisant des équations personnelles et politiques un facteur dominant.
Les votes vont plus que jamais prendre en compte les positionnements sur l’échiquier politique, les ancrages partisans et les soutiens municipaux.
Le canton de toutes les attentions
Elections départementales, élections primordiales dans les 25 cantons. Mais, il n’a échappé à personne que le canton n°10 (Canton 2 de Saint Denis) concentre tous les regards.
S’il fallait hiérarchiser les enjeux politiques des 25 Cantons, il ne fait pas de doute que ce canton à une valeur unique tant pour ses enjeux personnels, partisans que ses conséquences sur les régionales.
La candidature de la présidente sortante donne à cette compétition électorale une place d’exception. Et son score sera amplement interprété : sera t-elle confortée ou fragilisée sur son bilan, sa décennie à la tête du département, ses différentes options politiques et …. pour le troisième tour.
Mais avant de spéculer sur le vote de 50 conseillers pour la présidence du département, il lui faut passer le cap de l’élection. Et aucune élection n’est jamais gagnée ! Plusieurs éléments seront déterminants.
En premier lieu les résultantes des municipales de mars 2014 dans le camps de la gauche et des droites. La dynamique socialiste avait été remarquable. Sera t-elle aussi présente pour porter le binôme conduit par Philippe Naillet et Claudette Clain ?
Dans cette compétition, la candidature de Gino Ponin Ballom constitue également une donnée-clé dans ce scrutin. La cicatrice de mars 2008 est elle vraiment fermée ? Dans ce canton s’ajoute l’inconnue sur le résultat du binôme présenté par le Front National (Maurice Brasier-Gisèle Vaïtilingom).
Pour la présidente sortant, un des risques majeurs serait de voir se constituer lors d’un entre-deux-tours un front « TSND » Tout Sauf Nassimah Dindar fédérant de manière implicite un vote venant des oppositions des gauches et des ressentiments des droites.
L’engagement des parlementaires
La présence de trois parlementaires qui sont candidats titulaires (Jean Jacques Vlody) ou suppléantes (Monique Orphée, Ericka Bareigts) engage le Parti socialiste. Elle fait partie des enjeux personnels de ces scrutins départementaux.
Derrière les figures de ces députés, et leurs scores, se lira l’état des opinions sur l’action de l’exécutif socialiste. En 2014, comme nous le soulignons déjà, dans un contexte des plus moroses pour le Parti Socialiste, le maire sortant de Saint Denis, Gilbert Annette avait réalisé un score remarquable.
Dans la plus grande ville des outre-mer, il avait créé un « micro climat » politique lui permettant de distancer aisément les droites et d’améliorer son score. Cet élan sera t-il encore au rendez-vous des départementales ?
Pour le député Jean Jacques Vlody, après son échec aux municipales, l’enjeu c’est autant l’action passée au Conseil général (et le jugement du corps électoral sur son bilan) que son propre devenir sur la scène politique réunionnaise.
Conseillers sortants et maires
Après 2014 (et l’élection de 24 maires), les scrutins de 2015 vont installer 50 conseillers départementaux et 45 conseillers régionaux.
Sur le calendrier électoral nous n’avons plus de scrutins locaux (municipales, départementales, régionales) avant 2020. Le personnel politique élu en 2014 et 2015 aura donc une longue séquence politique jusqu’en 2020 sans élection. Situation inédite dans l’histoire politique, qui renforce l’importance de ces scrutins et maintient le pouvoir de ces élus sur la durée d’un quinquennat.
Les candidatures des conseillers sortants, parfois maires, sont autant d’enjeux personnels. Ils sont très nombreux à se représenter (titulaire ou suppléant). Citons parmi ici une part de ces personnalités de la vie politique : André Thien-Ah-Koon, Joseph Sinimalé, Maurice Gironcel, Daniel Alamélou, Daniel Gonthier, Jean Claude Lacouture, Philippe Le Constant, Bruno Mamindy Pajany …...
Les résultats auront des conséquences sur leur pouvoir personnel et leur formation politique. L’échec se transformera rapidement pour eux soit en une mise entre parenthèses de cinq années soit en un terme pour leur parcours politique.
Enjeux personnels, enjeux pour les partis, ce sont autant de confirmations du rôle primordial de ces élections départementales sur le devenir politique de La Réunion jusqu’en 2020.