A six semaines du premier tour des élections départementales, le politologue Yvan Combeau apporte un éclairage précis concernant ce scrutin. Selon lui,"l’actuel prologue de la campagne n’a pas encore rassemblé la totalité des éléments du puzzle politique réunionnais. La phase d’accélération (et de révélations) doit continuer jusqu’au 16 février". Carte blanche.
Carte blanche à Yvan Combeau
"A six semaines du premier tour des élections départementales...
Le temps de la pré-campagne électorale a bien commencé. C’est une phase d’accélération. Elle prend d’autant plus de significations que la vie politique a connu une décélération organisée, programmée, dès l’après-municipales (mars 2014).
Au cours de ces semaines, il s’agissait (avant départementales et régionales) davantage de laisser les concurrents se révéler pour le premier scrutin de 2015. Un travail intense de préparation, moins visible par les opinions publiques, qui se contingente le plus souvent à la sphère des états-majors. Ce qui se mettait en place se nommait pacte, accord, alliance… Cela s’exemplifie avec le texte rédigé par les formations des droites et des centres autour de Didier Robert.
Depuis la mi-janvier, le renversement s’est opéré avec un changement de vitesse. Dorénavant, il est question de s’exposer. La phase du lancement électoral a véritablement été engagée. Elle révèle non seulement les stratégies mais aussi les résultantes de la donne politique sur les dernières années.
Chaque consultation marque (avant même l’entrée dans la compétition électorale) les permutations du paysage à venir. Entrent dans ces registres plusieurs faits : la décision de Pierre Vergès de ne pas concourir, le retrait de Michel Dennemont ou le retour de Jean Yves Langenier… mais également de nouveaux modelés politiques dans les formes des binômes à l’image de l’accord passé entre Alain Armand et Nadia Ramassamy ou l’entente réunissant Jean-Paul Virapoullé et Alain Alamélou…
Sachons cependant bien évaluer ces prises de positions ou ces annonces non comme des retraits ou des conversions internes à la société politique mais des adaptations liées au format du scrutin des départementales ou à des reconstructions de trajectoires, de positionnements. Dans cet ensemble de mouvements qui couvrent cette pré-campagne, s’installent pareillement les actions visant à fragiliser l’adversaire. Sans même encore se placer en concurrent (e) sur le terrain électoral, il est possible de réaliser des opérations médiatiques ayant pour objectif l’affaiblissement d’un candidat potentiel dans son propre camp avec les effets sur les scrutins départementales mais aussi les prochaines régionales. Les actuelles plaintes, controverses entre Nassimah Dinar et Gino Ponin-Ballom fournissent un résumé édifiant de ce répertoire (ici judiciaire) ante-électoral.
L’accélération dans l’anticipation des scrutins se lit aussi plus classiquement dans l’entrée des principaux leaders du personnel politique. Dans les 25 cantons-circonscriptions, s’expriment le poids et l’enjeu des fiefs avec l’omniprésente cardinale c’est à dire celle des ancrages géographiques. Chacun y reconnaît son espace que l’on évoque (sans être exhaustif) l’entrée de André Thien Ah Koon ou Patrick Lebreton sur le Sud, Joseph Sinimalé dans l’Ouest, Jean-Paul Virapoullé sur l’Est
A six semaines du premier tour, le premier constat traduit les permanences et les effets (fréquemment soulignés) du fractionnement et de la segmentation de la politique réunionnaise. Il faut aller observer la stratégie du Parti Socialiste, du L.P.A. ou de l’U.M.P (avec Objectif Réunion) pour déceler des approches globales et des stratégies de réseaux sur l’ensemble du département.
Pour l’heure, l’actuel prologue de la campagne n’a pas encore rassemblé la totalité des éléments du puzzle politique réunionnais. La phase d’accélération (et de révélations) doit continuer jusqu’au 16 février.
Dans une semaine, nous aurons in fine une vue intégrale des candidatures et des ententes…et les éléments constitutifs des possibles projections sur la composition du futur Conseil départemental".