Retenu à l’Assemblée Nationale, le député-maire de Saint-Leu - Thierry Robert - a toutefois tenu à apporter sa contribution dans le cadre de l’assemblée plénière extraordinaire portant sur la continuité territoriale.
Thierry Robert est à Paris et plus précisément à l’Assemblée Nationale. Il tient à expliquer son absence ce mardi au sein de l’hémicycle de la Région.
Le député-maire de Saint-Leu explique qu’il est sur les bancs de l’Assemblée Nationale "dans le cadre du vote de la première partie du projet de Loi de Finances de la Sécurité Sociale 2015 et des discussions sur le projet de Loi de Finances dont la préparation a conduit le gouvernement à opérer un nouveau coup de « rabot » aux dépends des Réunionnais et de notre continuité territoriale déjà sous-dotée".
"Je ne suis pas en mesure de participer physiquement à ce débat sur la continuité territoriale. Mais tout en réservant au vote du projet de loi de finances le sort qu’il mérite, je tenais à participer à cette cause juste comme je m’y suis engagé !" écrit Thierry Robert.
Il précise également avoir émis "le souhait de pouvoir participer au débat en visioconférence depuis Paris" mais sa demande n’a pas été satisfaite. "J’ai été informé que la Région Réunion n’avait pas les capacités techniques pour assurer cette continuité numérique. Dommage !" déplore Thierry Robert.
La lettre de Thierry Robert
"Je remercie la Région Réunion d’avoir organisé ce débat sur la continuité territoriale que j’appelle de mes vœux depuis que le gouvernement a brutalement décidé de reculer dans ce dispositif de continuité territoriale, dispositif auquel sont attachés les Réunionnais, d’abord parce que nous sommes un des territoires les plus éloignés dans la République, mais sans doute aussi parce que notre attachement à La République, notre attachement à notre citoyenneté française et à notre patrie est forte. Ce qui rend insupportable de devoir soudainement en payer le prix alors qu’il relève pleinement de la Responsabilité de l’Etat d’assumer que l’hexagone reste accessible à tout moment à l’ensemble des Réunionnais.
L’Etat peut décentraliser pour de nombreuses politiques publiques, c’est une nécessité, il en va de la responsabilité et de la liberté d’administration des collectivités locales, mais la citoyenneté, l’indivisibilité de La République et son unité sont une mission régalienne, un principe à valeur constitutionnelle dont la continuité territoriale, en matière de desserte aérienne notamment relève pleinement de son champ de compétence. Il n’est pas question, quelque soit les termes du débat de cautionner ou de concéder une once de « largage ».
Elu que depuis 2008, je me suis engagé très tôt pour défendre la continuité territoriale. A l’occasion d’une motion que j’ai présentée en 2009 au Conseil général, je proposais déjà la création d’un office du transport Réunionnais permettant une gestion plus égalitaire de la continuité territoriale au regard notamment de la dotation dont bénéfice la Corse alors même que l’éloignement de la Réunion pèse sans commune mesure sur notre développement et que le coût de la desserte aérienne reste un frein à ce développement !
Plus récemment à l’Assemblée nationale, lors des questions au gouvernement, j’ai interpellé la Ministre de l’Outre-mer pour lui demander le maintient de la participation de l’Etat dans le dispositif actuel le temps d’une concertation permettant d’aboutir à un dispositif plus équilibré, plus efficace et plus juste.
Plus juste dans la répartition de son financement car je persiste à dire que ce n’est pas à La Région Réunion de faire payer aux Réunionnais l’indivisibilité de la République, plus juste dans la répartition de l’aide aux bénéficiaires, parce que tous les Réunionnais ont droit à la continuité territoriale mais certains plus encore que d’autres !
J’ai souhaité, avec la controverse malheureuse causée par les conditions d’accueil et d’accès à la tribune, m’exprimer lors de la manifestation organisée par la Région Réunion (ou Objectif Réunion), pour faire part de la nécessité de nous retrouver au-delà des clivages dans ce combat juste pour nos droits et contre l’injustice que le gouvernement impose aux Réunionnais.
Pour aller à l’essentiel et être constructif, je souhaiterai, avant de vous faire part des pistes que je crois utile d’approfondir, tenter de clarifier les termes du débat sur la continuité territoriale afin que nous ne manquions pas l’enjeu, il est essentiel pour les Réunionnais, les Réunionnais d’ici, et les Réunionnais de là-bas !
1°- La Continuité territoriale – comme son nom l’indique – est une affaire de « territoire ». Tous les Réunionnais ont droit à cette continuité parce que nous sommes français, que la République est une et indivisible et que c’est dans l’ordre constitutionnel que la continuité territoriale exprime notre attachement et notre rattachement à La République ! Vouloir priver certains réunionnais du dispositif, en prétextant vouloir le préserver pour d’autres, c’est tenter de monter les réunionnais les uns contre les autres à l’endroit même où il est question d’être unis dans La République ! Et le gouvernement socialiste qui met à mal le dispositif aujourd’hui se contredit pour bon nombre de ses membres et pas n’importe lesquels lorsqu’ils défendaient dans un recours au conseil constitutionnel en 2003 que « (...) la continuité territoriale n’est que l’une des déclinaisons de l’indivisibilité de la République. Elle rend ce principe effectif. C’est en effet en affirmant la continuité territoriale que l’éloignement géographique des départements d’outre-mer ne devient plus un obstacle à l’effectivité de leur appartenance au territoire de la République et que l’indivisibilité se concrétise. »
S’agissant en 2003 de la Loi Programme pour l’Outre-mer, le Président Hollande, qui n’était que député, plusieurs membres du gouvernement dont le 1er Ministre actuel, le président actuel de la Cour des Compte, entre autres parmi les 130 députés socialistes, ont co-écrit et signé ce même recours dont les arguments entre autres disaient : « La première discrimination résulte de la différence des sommes que l’Etat octroie au titre de la continuité territoriale selon les collectivités locales.
En effet, le principe de continuité territoriale est déjà reconnu et appliqué pour la collectivité de Corse, ainsi qu’il a été indiqué.
Cependant, le montant de la dotation en faveur de cette seule collectivité est sans commune mesure avec ce qui est annoncé pour l’ensemble de l’outre-mer. La loi de finances 2003 a en effet fixé le montant de cette dotation, pour la Corse, à 165,2 millions d’euros (chapitre 41-57, article 20, du budget du ministère de l’Intérieur).
Cependant, ainsi qu’il a été rappelé, le montant prévu pour la dotation de continuité territoriale pour toutes les collectivités d’outre-mer est évalué à seulement 30 millions d’euros.
Rapporté au nombre d’habitants de ces collectivités, on peut chiffrer l’application du principe de continuité territoriale à 616 euros par habitant pour la Corse et à 11,5 euros par habitant pour l’outre-mer. »
Cette discrimination demeure ! Et ceux qui la dénonçaient hier l’aggravent aujourd’hui !
2°- La continuité territoriale est aussi devenue une mesure sociale d’égalité, d’égalité entre citoyens insulaires et citoyens du continent, une mesure qui manque aujourd’hui d’équité sur notre propre territoire quant aux revenus pris en compte pour obtenir l’aide à la mobilité, un manque d’équité au regard des motifs des déplacements.
Aussi, il ne s’agit pas de choisir entre une continuité territoriale et une mobilité « sociale » mais bien d’aménager le dispositif pour qu’il réponde clairement aux 2 objectifs : celui de l’égalité territoriale au nom de l’indivisibilité de la République, et celui de l’équité qui conduit à aider davantage les Réunionnais qui en ont le plus besoin ! Et il est possible que ce dispositif dédié aux Réunionnais soit juste et équitable s’il bénéficie réellement aux Réunionnais et que les effets d’aubaine sont limités.
Afin d’offrir aux Réunionnais une vraie continuité territoriale juste et équitable, il convient de distinguer d’une part :
1. La mise en œuvre d’un dispositif de continuité territoriale fondé sur la libre circulation au juste prix pour les Réunionnais vers le territoire hexagonal d’une part, et pour ceux qui, au départ de l’hexagone, auraient des intérêts matériels et moraux dans l’île. Ce juste prix se situerait aujourd’hui, dotation de continuité déduite aux alentours de 600€ maximum l’aller-retour tout au long de l’année. La continuité est l’affaire de tous, et tout Réunionnais, ou toute personne qui a ses intérêts matériels et moraux réellement établis dans l’île doit pouvoir jouir de sa citoyenneté et circuler librement à tarif raisonnable entre la France d’ici et la France hexagonale.
2. Un dispositif d’aide social à la mobilité (cumulatif) pour les personnes en difficultés et sur critères sociaux, sous forme de « chèque mobilité », au bénéfice d’un public cible dont le dispositif serait abondé par les collectivités locales (Région - Département - Communes via le CCAS).
Ces 2 dispositifs doivent pouvoir être mis en œuvre dans une agence locale sous forme « d’office du transport » afin de nous assurer un pilotage opérationnel transparent et efficace au service de notre territoire et des Réunionnais, de tous les Réunionnais qu’ils vivent à La Réunion ou en provenance de la métropole.
Cet Office devrait faire l’objet d’une contribution équitable (réellement c’est à dire à part égale) de l’Etat, de la Région, du Département. C’est cet office qui, concentrant la commande publique annuelle de billets d’avions faisant l’objet d’une aide serait à même par la suite de procéder à des appels d’offres avec la possibilité de tarifs négociés pour des économies d’échelle, à l’échelle de notre territoire. Opportunité qui échappe aujourd’hui totalement à LADOM.
Enfin, l’opérateur de transport disposerait de la faculté en période de pointe (période « rouge » aux tarifs très élevé et à la demande très forte) d’affréter des avions permettant d’assurer un service à coût accessible sur le modèle de la coopérative solidaire !
Ces propositions n’exonèrent pas le gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour assurer sa fonction régalienne et faire la lumière sur les conditions de formation du prix du billet d’avion, l’observatoire des prix ayant pour mandat initial aussi de travailler sur la formation des prix, y compris des prix des billets d’avion, afin notamment de clarifier certaines questions sur la « taxe surcharge carburant » et son opacité. D’autant que la reconnaissance du statut de RUP permet la prise en charge au titre des handicaps structurels des surcoûts liés à l’éloignement et que des instruments aussi bien réglementaires que financiers permettraient de ne pas faire peser sur les Réunionnais les surcoûts des tarifs aériens que la continuité territoriale entretient !
Enfin, il appartient aux responsables politiques locaux que nous sommes de s’interroger sérieusement sur l’opportunité d’engager nos collectivités, y compris financièrement de façon conséquente, dans une compagnie régionale qui, en retour, pour les Réunionnais, n’apporte pas d’autres valeurs ajoutées que les emplois qu’elle a créés, une compagnie qui a construit son modèle et continue de vivre grâce à l’appui des collectivités locales sans véritablement offrir aux Réunionnais la contrepartie légitime qu’ils sont en droit d’attendre sur les tarifs aériens, alors même que cette compagnie reste leader du marché !
Ces pistes ne sont pas exhaustives, des analyses complémentaires, relatives notamment à la formation du prix des billets d’avion, à une meilleure appréhension des conditions de desserte aérienne et d’exercice des Obligations de Service Public (OSP) permettront sans doute d’en ouvrir d’autres. Mais elles ont vocation à nourrir le débat et participer constructivement à la concertation pour offrir aux Réunionnais une vraie continuité territoriale juste et équitable !".