Plus de 100 psychiatres ont écrit à la ministre de la Santé pour dénoncer la faible prise en charge des malades mentaux dans les services psychiatriques.
Antoine Pelissolo, chef du service de psychiatrie de l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne) a annoncé en exclusivité dans une interview au Parisien qu’il a remis une lettre signée par plus de 100 professionnels à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Cette missive pointe du doigt le problème des budgets et dénonce une prise en charge insuffisante des patients en psychiatrie. Le professionnel alerte également sur l’augmentation flagrante des "âmes errantes" dans les grandes villes. "Ce n’est pas normal d’en voir autant", dénonce-t-il. Malheureusement, ces malades mentaux ne sont pas soignés correctement ou pire aucun soins ne leur sont prodigués. Ces manques de soins sont le résultat d’un manque de moyens, martèle Antoine Pelissolo.
Selon plusieurs études, un Français sur cinq souffre de troubles mentaux, de dépressions, de troubles bipolaires, d’autisme ou de schizophrénie. Des troubles qui nécessitent une prise en charge dans les services psychiatriques. Malheureusement, les médecins se heurtent à la réduction du nombre de lits dans les hôpitaux. "La demande en consultation augmente car on identifie mieux certains troubles, et des pathologies comme les dépressions et l’autisme sont aussi en hausse", explique Antoine Pelissolo. Face aux services surchargés, les patients sont hospitalisés moins longtemps que ce dont ils auraient besoin. "C’est inadmissible. Jamais vous ne verrez ça ailleurs, jamais on ne laisserait un patient opéré à cœur ouvert quitter l’hôpital le lendemain de son intervention", s’insurge le professeur.
Outre le manque de places, les médecins constatent également le problème de prise en charge dans les cabinets de ville "bondés". En effet, les délais de rendez-vous s’allongent comme dans les centres médico-psychologiques. Parfois, les patients attendant un an ! Conséquence le diagnostic est tardif, parfois inexistant. Pourtant, "sans soutien, les chances de guérir paraissent impossibles". "Nous devons tout revoir" et vite d’après les médecins. Marion Leboyer, responsable de pôle à l’hôpital Mondor, demande une vraie réforme. "On pourrait faire beaucoup mieux, il y a plein de stratégies thérapeutiques qui ont fait leurs preuves", avance-t-elle.
Fin décembre, la ministre de la Santé a accordé une rallonge budgétaire de 50 millions d’euros à ce secteur. Elle souhaite également à l’horizon 2022 "que tous les généralistes fassent un stage en psychiatrie, pendant leur internat, parce qu’ils sont confrontés aux pathologies mentales dans leur quotidien". Agnès Buzyn donnera des précisions sur sa stratégie lors d’une réunion le 24 janvier. "Dans ce domaine, on a un retard incroyable", avait-elle déjà confié.
En France 7 à 10% de la population sont touchées par la dépression soit 4,7 à 6,7 millions de personnes, selon les chiffres du livre "Psychiatrie : l’état d’urgence". Les troubles bipolaires touchent 800 000 à 3,7 millions de personnes (1,2 à 5,5 %), la schizophrénie, environ 670 000 personnes (1%) et les troubles du spectre de l’autisme, 1% également. En moyenne l’âge moyen d’apparition de ces maladies est en moyenne 15-25 ans.