Selon une étude que la chaîne France Info a pu se procurer en exclusivité, le confinement et le déconfinement ont des fortes conséquences psychologiques sur les Français.
Une enquête de la Fondation Jean-Jaurès "Les Français et le suicide", a été récemment réalisée par l’Ifop. La chaîne France Info s’est procurée en exclusivité cette étude évoquant les conséquences psychologiques du confinement et du déconfinement. Elle a été menée auprès d’un échantillon de 2 000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Les interviews ont été effectuées en ligne du 21 au 28 septembre 2020.
A la question "Avez-vous déjà envisagé sérieusement de vous suicider ?", 20% des personnes interrogées ont répondu "oui" dont 11% ont dit l’avoir envisagé pendant la période du premier confinement, et 17% depuis la fin de ce confinement.
Au micro de France Info, Michel Debout, professeur de médecine légale et membre de l’Observatoire national du suicide a indiqué que "le risque suicidaire est élevé et on n’en parle pas".
D’ailleurs, l’étude montre une augmentation des idées suicidaires dès la fin du premier confinement alors que celui-ci a pu être un facteur de protection contre le suicide. Il a ainsi cité différentes raisons : une "volonté de survie" face à la menace du virus, l’élan de solidarité observé à cette période, ou encore la difficulté de s’isoler pour passer à l’acte. En revanche, le déconfinement marque un risque accru, "la crise est devant nous", a prévenu Michel Debout.
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Le professeur de médecine a indiqué qu’en raison du changement de logique entre les deux confinements, le second pourrait s’avérer plus risqué encore que le premier. "Nous sommes passés de ’tous à domicile, sauf exception’, à ’tous au travail, sauf exception’", a-t-il annoncé en estimant que cela suscite l’incompréhension du côté des secteurs économiques qui doivent s’arrêter.
A son avis, certains le vivent très mal, les artisans-commerçants ne comprennent pas pourquoi eux doivent fermer, alors qu’on laisse d’autres lieux de contamination plus évidents comme les grandes surfaces. Il a aussi estimé l’existance du risque de créer des animosités entre des groupes de Français, en utilisant également des expressions blessantes comme des "métiers non essentiels".
Les résultats de cette enquête ont également montré les trois catégories vulnérables. Sur les 20 % des enquêtés déclarant avoir déjà envisagé sérieusement de se suicider : les dirigeants d’entreprises (27%), les chômeurs (27%) et les artisans-commerçants (25%). Par ailleurs, leur consommation de médicaments au cours des 12 derniers mois est plus importante que la moyenne des Français.
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Durant la crise sanitaire de la Covid-19, les artisans-commerçants et les dirigeants d’entreprises sont exposés au risque économique et traversent une période d’incertitude. De plus, la difficulté du redémarrage de l’activité économique constitue un autre problème.
Par ailleurs, selon Michel Debout, la santé des chômeurs, c’est aussi l’angle mort de la santé publique en France, mais "on n’en parle presque jamais". Pourtant, certains nouveaux chômeurs risquent, à son avis, de passer à l’acte. "Ils perdent un emploi et un projet de vie. Il y a un effet de dévalorisation, d’échec... Ce doit être considéré comme un problème de santé, pas seulement économique", a-t-il renchéri.
Face à cette situation alarmante, le professeur a estimé qu’il y a urgence à intervenir en martelant que le suicide n’est pas une fatalité. D’après lui, la prévention doit se faire pour "éviter le risque, pas en attendant le risque". "C’est maintenant qu’il faut prendre des mesures, alerter les groupes les plus à risque", a-t-il insisté en disant que la France n’a pas la culture de la prévention.
Effectivement, dans sa note, la Fondation Jean-Jaurès estime que la direction générale de la santé a constamment tourné le dos aux politiques de prévention, notamment de la prévention du suicide. Pendant près de deux décennies, elle s’est ainsi opposée à la constitution de l’observatoire national du suicide, de la prévention des risques psychosociaux au travail ou encore à la prévention des pathologies liées à la perte d’emploi, rapporte France Info.
Michel Debout a ainsi proposé la création d’un nouveau comité qui serait "le pendant" du Conseil scientifique. Entre autres, il serait composé de psychiatres, psychologues, médecins généralistes et cancérologues. "Ce comité ferait la balance, questionnerait les effets des mesures sur la santé", a-t-il expliqué tout en s’interrogeant : "pourquoi n’a-t-on pas déjà mis en place ce deuxième comité ?"
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