Karine a attaqué l’État pour faute lourde. Et pour cause : elle a été délaissée par ses parents et violée par un délinquant sexuel qu’ils hébergeaient. Malgré plusieurs signalements à la justice, sa garde ne leur a jamais été retirée.
Durant douze longues années, Karine a été délaissée par ses parents et violée par un délinquant sexuel qu’ils hébergeaient. Malgré une quinzaine de signalements à la justice, sa garde ne leur a jamais été retirée. Aujourd’hui âgée de 20 ans, elle a déposé une plainte contre l’Etat pour faute lourde, pour ne pas l’avoir protégée durant son enfance.
"C’est son histoire, c’est son passé. Il faut qu’elle puisse se reconstruire", a témoigné sobrement la tante de Karine, Laurence Brunet.
Seulement à quelques jours de la naissance de Karine en juillet 1997, la maternité et sa tante ont remarqué une mère totalement désintéressée de sa petite fille. En 1998, elle a été condamnée à huit ans de prison pour le meurtre de sa première fille qui était née d’un viol. À l’époque, la justice avait imposé une assistance éducative au domicile des parents, mais ces derniers ont quand même conservé la garde de leur fille.
Selon une expertise psychiatrique, la mère de Karine a du mal à nouer une relation avec elle en raison de ce qu’elle a vécu antérieurement.
Durant les premières années de Karine, tous les rapports des services sociaux ont été unanimes : aucune évolution positive. Mais encore une fois, le juge a estimé que l’intervention éducative n’était pas nécessaire, donc pas nécessaire de placer la fillette dans un centre.
Alors âgée de 5 ans en octobre 2003, les services sociaux ont informé le procureur sur le comportement sexué de Karine. Sa tante Laurence Brunet a tout de suite alerté la justice.
"Elle avait une très grosse infection urinaire. Donc le médecin a fait des examens et lui a posé quelques questions. Et avec ses mots à elle, elle a dit que son papa l’allongeait souvent dans la baignoire et qu’il la touchait beaucoup", se souvient-elle.
Elle a signalé le juge des enfants et lui a envoyé les résultats de l’examen de laboratoire de l’enfant. Malheureusement, elle n’a jamais été convoquée par le juge.
"Plus elle grandissait, plus Karine avait des stigmates d’enfant maltraité. Elle ne jouait pas. Ça m’a toujours beaucoup interpellée.", a-t-elle poursuivi.
Laurence Brunet a indiqué qu’elle a déjà surpris la fillette en train de se toucher sous la table, durant un repas de famille. Elle a tout de suite pensé que Karine est agressée par son père. "Je me suis dit : ’il se passe quelque chose dans cette famille’.", martèle-t-elle.
Après quelques mois d’enquêtes, puis classée sans suite en février 2004, sa tante a su que ses parents ont accueilli un pédophile chez eux.
La justice et les services sociaux ont été signalés par un nouvel élément début janvier 2005, par la présence de cet homme déjà condamné pour viol sur enfants et pédophilie. Mais encore une fois, l’enquête a été classée sans suite.
"Parce que les parents sont arrivés avec un certificat médical, qu’ils avaient fait faire la veille chez le médecin traitant. Il n’y a pas eu d’investigation plus poussée, il n’y a même pas eu une séance avec un psychologue. Et elle était accompagnée par ses parents. Comment peut-on interroger un enfant sur ces faits en présence de ses parents ?", selon la tante.
Contre toute attente, Laurence Brunet a été poursuivie pour dénonciation calomnieuse et a été contrainte d’écrire "une lettre d’excuses à la justice, pour les perturbations à Karine et à ses parents".
En 2009, Karine avait 12 ans, elle parvient à expliquer ce qu’elle a vécu. Deux autres signalements ont été faits ouvrant à une nouvelle enquête de police. Elle a indiqué que ses parents l’ont laissée seule avec son prédateur, parfois nue avec lui. D’ailleurs, des examens médicaux ont confirmé des lésions qui correspondent aux actes décrits par la fillette.
"Je pense qu’ils les prenaient pour des gens simples. (...) Tout le monde remarquait que monsieur avait la main légère, que le comportement de madame était sexualisé, que Karine n’avait pas de câlins, que l’on pouvait quitter leur domicile le vendredi soir en voyant Karine dans une tenue et le lundi matin la revoir dans les mêmes vêtements et la même couche. Trois jours ! Personne ne s’inquiétait de ça."
La tante a enregistré autour de 14 signalements à la justice réalisés par les services sociaux, les psychiatres, les voisins et elle-même.
Les parents de Karine ont reconnu avoir demandé à sa fille de mentir à la police pour écarter les ennuis. Ils ont également expliqué n’avoir jamais cru la fillette sur ce qu’elle subissait à l’époque.
"J’aimerais qu’on lui demande pardon de l’avoir oubliée, de l’avoir laissée se faire massacrer", a soufflé Laurence Brunet.
Les parents ne seront pas poursuivis pour complicité durant le procès de son violeur, qui sera ouvert cette semaine à Rennes. Sinon la plainte contre l’État risque la prescription du fait que les faits ont été commis il y a plus de dix ans.
>> À lire aussi : Etats-Unis : un enfant de 10 ans battu à mort par sa mère
Nos autres articles sur la Maltraitance infantile
(Source : Europe 1)