La Cour européenne des droits de l’homme condamne la France pour avoir imposé le "devoir conjugal" en défendant la liberté sexuelle et l’intégrité corporelle des époux.
La Cour européenne des droits de l’homme a rendu un arrêt marquant. Elle a condamné la France pour violation du droit au respect de la vie privée dans une affaire de divorce pour manquement au "devoir conjugal". Ce jugement, prononcé à l’unanimité par les juges de Strasbourg le 23 janvier, réaffirme le droit à la liberté sexuelle et à l’intégrité corporelle, en abolissant toute notion d’obligation matrimoniale imposant des relations sexuelles. L’arrêt de la CEDH souligne que "le consentement au mariage ne peut être assimilé à un consentement aux relations sexuelles futures". Ce principe fondamental rejette toute interprétation archaïque de la vie conjugale, ancrée dans des normes religieuses ou patriarcales, selon lesquelles le mariage implique une "communauté de lit", rapporte Tf1 Info.
Dans cette affaire, une Française de 69 ans avait été condamnée en 2019 par la Cour d’appel de Versailles pour avoir cessé d’entretenir des relations sexuelles avec son mari. La cour avait prononcé le divorce à ses torts exclusifs, estimant que ce refus constituait une "violation grave et renouvelée des devoirs du mariage". Saisissant la CEDH en 2021, avec le soutien du Collectif féministe contre le viol (CFCV) et de la Fondation des femmes, la requérante a contesté cette décision qu’elle jugeait contraire à ses droits fondamentaux. La CEDH lui a donné raison, estimant que "tout acte sexuel non consenti est une forme de violence sexuelle" et que l’existence même du "devoir conjugal" contrevient aux principes de liberté individuelle et de lutte contre les violences domestiques. Pour Me Lilia Mhissen, l’une des avocates de la requérante, cette décision marque "l’abolition du devoir conjugal" et constitue une avancée majeure dans la reconnaissance de la liberté sexuelle des époux. "Le mariage ne peut être une servitude sexuelle", ajoute Delphine Zoughebi, également avocate dans cette affaire.
Cette victoire dépasse le cadre individuel. Elle appelle à une révision des articles 212 et 215 du Code civil, qui imposent respectivement aux époux une communauté de vie et des devoirs mutuels de fidélité, secours et assistance. "Il est temps que la France acte cette décision et modifie son droit en conséquence", estime Emmanuelle Piet, membre du Collectif féministe contre le viol. Ce jugement a également une portée symbolique forte. En France, près d’un viol sur deux est commis par le conjoint ou le concubin. "Cette décision est essentielle pour lutter contre les violences sexuelles au sein du couple", déclare Delphine Zoughebi. La requérante, mère de quatre enfants, a salué la décision de la CEDH dans un communiqué. "Cette victoire est pour toutes les femmes qui, comme moi, se retrouvent face à des décisions judiciaires aberrantes remettant en cause leur intégrité corporelle et leur droit à l’intimité", a-t-elle affirmé.