La Haute Autorité de Santé a dévoilé lundi, la stratégie de vaccination en France. Les soignants seront prioritaires, mais les convaincre de se faire vacciner sera un enjeu de taille.
Dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, plusieurs laboratoires pharmaceutiques ont indiqué l’efficacité de leurs vaccins. Lundi 30 novembre, la Haute Autorité de Santé a révélé les phases de la prochaine campagne de vaccination.
Avec les résidents des Ehpad, les soignants se trouvent dans la liste des prioritaires. Pourtant, l’idée de se faire vacciner ne fait pas l’unanimité, et il serait vraiment difficile de convaincre la plupart des membres du personnel de santé.
Au micro du journal 20 Minutes, qui a fait un appel à témoignages, des soignants ont montré leur désaccord. Morgane, 27 ans, infirmière en Ehpad a prévenu qu’elle va attendre et laisser les autres servir de cobayes. "Me faire vacciner ? Je ne sais pas ce qu’il va y avoir dans ce vaccin, ni les conséquences qu’il peut avoir sur ma santé", a-t-elle indiqué.
Pour Lucas, kinésithérapeute de 25 ans, il ne souhaite pas être vacciné suite à "la rapidité de la mise en place du vaccin, qui ne permet pas encore de voir les effets secondaires à long terme". Pareillement pour Mélodie, une employée en Ehpad, a dit qu’elle n’a aucune confiance en l’Etat et encore moins dans les laboratoires pharmaceutiques. Elle a dénoncé par ailleurs, le fait de se servir de leur situation professionnelle pour les inviter à passer à l’acte. "D’autres branches sont aussi à risques, les restaurateurs, par exemple", a-t-elle indiqué.
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En attendant l’arrivée des premières doses du ou des vaccins alors, il y aurait un important travail de pédagogie à réaliser pour convaincre les soignants de se faire vacciner. D’ailleurs, Emmanuel Macron a bien précisé que le vaccin contre la Covid-19 ne serait pas obligatoire.
D’autres soignants ont tout de même nuancé, selon le journal 20 Minutes. "Je suis pour les vaccins, mes enfants et moi-même sommes vaccinés", a affirmé Céline, 47 ans. Elle a ainsi précisé que pour la Covid-19, quand il y aura un recul suffisant, elle y songerait, "mais pas pour cette année".
Annie, 48 ans, soignante en Ehpad : "Je veux me faire vacciner, je le fais contre la grippe depuis au moins trente ans. Je trouve normal de protéger les résidents. Mais je sais, hélas, que 90 % de mes collègues ne le feront pas…". Elle a aussi dénoncé que ces derniers seront plus aptes à se faire vacciner si les compagnies aériennes l’imposent, car les vacances comptent plus que les résidents.
Le fait de ne pas accepter la vaccination est peu surprenant puisqu’on en sait encore très peu sur ces vaccins contre la Covid-19.
Alexis Spire, sociologue au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), mène un projet de recherche sur la confiance des soignants dans les institutions étatiques en temps de coronavirus.
Il enquête dans deux hôpitaux d’Ile-de-France et du Grand-Est, pendant 18 mois, et jusqu’à septembre 2021. "La plupart de ceux qu’on a vus ne sont pas antivaccins", a-t-il expliqué. Selon ses dires, très peu de réponses fermes et définitives sur le vaccin contre la Covid-19, ont été reçues pendant les entretiens. A son avis, c’est trop tôt parce qu’il y a énormément d’incertitudes. "Dire aujourd’hui ce qu’il en est de l’acceptabilité par rapport à ce vaccin me semble très fragile".
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Plusieurs explications ont été reçues lors des entretiens menées par Alexis Spire. Les paramédicaux et les médecins ont communément répondu qu’ils n’ont pas peur d’être malades parce qu’ils pensent être immunisés à force d’être au contact des malades. Cette première raison revient le plus souvent.
La deuxième, c’est qu’il serait absurde de vouloir s’inoculer une maladie, d’autant que le vaccin n’est pas toujours efficace. Quant à la troisième, elle revient plutôt chez les infirmières et aide-soignantes. Ces dernières ont supposé que comme l’hôpital encourage à se faire vacciner, il est soupçonné de vouloir limiter les arrêts maladie.
Le gouvernement devrait tout faire alors pour renouer la confiance. En effet, Alexis Spire a expliqué qu’en France, il y a la conjugaison de deux choses : on est le pays champion de la défiance à l’égard des élites politiques et à l’égard de la vaccination.
De plus, depuis l’arrivée du coronavirus en mars, les injonctions contradictoires n’ont pas du tout rassuré, à son avis, les Français qui ont pu comprendre qu’il y ait eu une part de surprise, d’impréparation face à la pandémie. "Ce qui est très mal perçu, c’est le mensonge et le fait que les erreurs n’aient pas été reconnues", a précisé le sociologue.
Selon Alexis Spire, dans ce contexte assez tendu, la campagne de vaccination ne pourra pas se faire sans la participation des soignants, car il y a également un enjeu d’exemplarité. Un des résultats de l’enquête a effectivement dévoilé que pour qu’il y ait une forme de confiance dans ce vaccin, il faut des intermédiaires. "Ces derniers ont pour rôle d’intervenir entre des pouvoirs publics qui envoient un message et les personnes qui mettent en place cette campagne", a-t-il insisté.
Il a expliqué que les soignants sont très à l’écoute des médecins, des chefs de clinique de leur service, avec lesquels ils sont directement en contact. Ainsi, convaincre les médecins de l’hôpital, c’est crucial pour toucher les soignants, tout comme convaincre les généralistes est crucial pour rassurer la population générale.
Luc Duquesnel, généraliste en Mayenne et président du syndicat Les Généralistes-CSMF, partage cet avis. Il a prévenu que si on n’est pas dans les conditions maximum de sécurité et que seulement 5 % des soignants se vaccinent, la population ne se vaccinera pas. "Si je me vaccine, que je mets un badge ’votre médecin est vacciné’, que mes confrères font de même, tout comme le pharmacien, l’infirmière, cela aura un impact, car les Français nous font confiance", a-t-il précisé.
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