Des éducateurs confrontés à l’illettrisme chez les jeunes confient leur désarroi. Ils proposent le renforcement de la prise en charge des enfants en difficulté dès la maternelle.
En France, 2,5 millions de personnes ne savent pas lire. "Ces dernières années, de plus en plus d’élèves ont des difficultés à entrer dans les apprentissages", affirme une éducatrice qui incrimine notamment le nombre d’heures passées devant les écrans et le manque de concentration des écoliers.
Les enfants font l’apprentissage de la lecture en CP. En théorie, ils ont acquis des notions à l’entrée en élémentaire. "Mais certains n’ont déjà pas ces bagages", selon la maîtresse d’école qui se souvient d’un petit garçon très à l’aise à l’oral, mais qui, à l’écrit, avait toujours du mal à se lancer. L’écolier a bénéficié de deux heures en petits groupes réservés aux élèves en difficulté, ce qui lui a permis de faire des progrès, mais pas suffisamment.
En milieu rural, le dépistage des troubles dyslexiques est très complexe à cause des longues listes d’attentes. L’écolier est alors resté dans la même classe, mais à la rentrée suivante, en CE 1, il n’était toujours pas un lecteur autonome. "Je doute qu’il puisse faire un cursus classique au collège, mais que faire ? Je n’ai pas de solution", s’inquiète l’institutrice.
Une autre enseignante dans un collège de REP+ a également vu passer des élèves qui avaient des difficultés en lecture. "Ils savent décoder, mais ne comprennent pas le sens d’un texte. Arrivés au bout du deuxième paragraphe, ils ne savent plus ce qu’il y avait au début. Et ce ne sont pas que des élèves qui débarquent de l’étranger", assure-t-elle.
Alain Bentolila, professeur de linguistique, spécialiste de l’illettrisme engagé depuis plus de vingt ans dans la lutte contre ce phénomène, vient de diriger une publication collective sur le phénomène. Selon lui, les élèves qui ont des difficultés avec la lecture devraient être pris en charge dès la maternelle.
Alors que la moyenne est de 1 300 mots, les moins avancés en lecture n’en maîtrisent que 220. Pour un enfant qui ne possède pas un lexique mental oral, le déchiffrage à l’écrit se fait donc à vide. Il aura des difficultés, quelle que soit la méthode utilisée par l’enseignant. "Il faut mettre le paquet sur la maternelle, avec pas plus de 15 élèves par classe, et des enseignants mieux formés, à tous les niveaux, à une pédagogie qui tient compte des niveaux différents dans la classe et met l’accent sur la compréhension des textes", soutient Alain Bentolila.
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