L’ancien patron du FMI a soutenu à la barre qu’il ne savait pas que les femmes présentes lors des "fêtes" étaient des prostituées. L’une d’elles l’a contredit en affirmant qu’il ne pouvait pas l’ignorer.
Au tribunal de Lille, il y avait quatre hommes en costume sombre, debout face à la cour, raconte Le Figaro aujourd’hui. D’abord Fabrice Paszkowski, ancien gérant de sociétés de matériel médical et gagnait environ 15 000 euros par mois. Ensuite, David Roquet, qui dirigeait les 80 salariés d’une filiale du groupe Eiffage. Puis Jean-Christophe Lagarde, qui a gardé son poste de commissaire divisionnaire mais il n’est plus le chef de la sûreté départementale du Nord. Et enfin, Dominique Strauss-Kahn, le plus connu d’entre tous.
Soupçonnés de proxénétisme aggravé, ils encourent dix ans de prison. Paszkowski et Roquet affirment qu’ils étaient les seuls à connaître "le secret" de ces "soirées libertines" : les jeunes femmes étaient des professionnelles rémunérées. "Nous nous sommes vus douze fois en quatre ans. Or, l’ordonnance de renvoi donne l’impression d’une activité frénétique, débridée : j’avais à l’époque, et je le dis sans prétention, autre chose à faire".
Strauss-Kahn avait sa voix grave pour se présenter. Le président Bernard Lemaire estime qu’il était "l’un des hommes les plus importants de ce monde" lorsqu’il était à la tête du FMI. Le prévenu ne sait pas si c’est vrai. En revanche, il est convaincu de deux choses : que cette organisation a "sauvé la planète d’une crise aussi grave que celle de 1929".
Il aborde ses relations avec les trois autres hommes. Il est surtout ami de Fabrice Paszkowski qu’il avait embrassé avant l’audience. Les deux hommes se sont rencontrés en 2002 à Béthune. Une phrase pour résumer leur relation : "À l’enterrement de ma mère, il y avait 25 personnes. Fabrice en était". C’est par son intermédiaire qu’il rencontre Roquet et Lagarde.
Le président résume : "Aux termes de l’ordonnance de renvoi, MM. Roquet et Paszkowski étaient les organisateurs, recruteurs et payeurs. M. Lagarde était l’accompagnateur. M. Strauss-Kahn, dont le cas a été longuement discuté puisque le parquet avait requis un non-lieu mais que le juge d’instruction en a décidé autrement, était l’instigateur, celui pour qui et autour de qui étaient organisées les rencontres".
À ce moment, l’audience prend une tournure incroyable. Détaché, pédagogique, didactique, comme s’il s’adressait à un amphi d’étudiant, Strauss-Kahn donne un cours magistral sur la partouze. Sa profession de foi de libertin assumé ne fait pas dans la dentelle, sans jamais perdre de vue la stratégie qui doit lui permettre d’échapper à la condamnation.
"Je me suis toujours considéré comme l’invité de Fabrice", a-t-il dit. "Je n’avais pas le temps d’organiser une quelconque soirée et à aucun moment je n’ai demandé qu’on en organise une. J’avais une vie trépidante, avec quelques petites soupapes de récréation. Si j’avais su que les femmes étaient rémunérées, je ne serais pas venu".
Strauss-Kahn continue son explication : "Je n’ai aucun mépris pour les prostituées, mais j’aime que ce soit la fête, avant et après, et ce genre de relations, glauques et limitées à l’acte sexuel, ne m’apporte pas de plaisir. En outre, les prostituées sont sans doute plus susceptibles que d’autres de subir des pressions de la part de souteneurs ou de policiers : si je voulais bien prendre le risque de pratiques sexuelles particulières, je ne l’aurais pas pris avec des prostituées".
Pour les juges d’instruction, ces "fêtes" n’avaient qu’une raison d’être : combler l’appétit sexuel de Dominique Strauss-Kahn. Fabrice Paszkowski corrige : "On a dit que les filles étaient un cadeau pour Dominique mais pas du tout, le cadeau, c’était Dominique".