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Blessé merceredi 7 janvier lors de l’attantat commis au siège de Charlie Hebdo, Philippe Lançon raconte qu’il a "fait le mort" pour s’en sortir. Ce rescapé s’est exprimé pour la première fois. Il était grièvement blessé à la mâchoire.
"Moi, j’ai fait le mort en pensant que peut-être, je l’étais ou le serais bientôt", raconte Philippe Lançon à France TV Info aujourd’hui. Grièvement blessé à la mâchoire, ce journaliste de Libération et chroniqueur à Charlie Hebdo revient sur l’attaque perpétrée par les frères Kouachi.
Dans un texte publié dans Libération, adressé à ses "chers amis de ’Charlie’ et de ’Libération’", il évoque ses camarades disparus et dresse le portrait d’une rédaction vivante, interrompue par l’irruption de "sinistres ninjas".
En revenant sur cette tragique conférence de rédaction, Philippe Lançon rend hommage à ses confrères, "une petite équipe homérique et carnassière. Jamais les conférences du mercredi matin n’avaient été aussi vivantes, joyeuses, agressives, excitées. Il y existe une extraordinaire tradition de l’engueulade qui gonfle, qui gonfle, et que dégonflait soudain une blague, généralement de Charb, de Luz ou de Wolinski. Puis tout le monde continuait en riant", se rappelle-t-il.
Lorsqu’il parle de l’économiste Bernard Maris, il se souvient d’une "intelligence ouverte et un merveilleux sourire, assez juvénile". Ce jour-là, Cabu et Wolinksi "dessinaient, comme toujours". Du premier, il se souvient notamment de la passion pour le jazz. Du second, il dit : "Je crois qu’il aimait l’emporte-pièce comme preuve de vie. Il admirait aussi les grands dessinateurs, les grands peintres. J’aimais repartir avec lui vers 11h30. Il me parlait de femmes, naturellement. Il les aimait tant !".
Ce jour-là, sans justifier les jihadistes français, Tignous "en vrai gars de la banlieue, en rescapé de la pauvreté, se demandait ce que la France avait vraiment fait pour éviter de créer ces monstres furieux, une formidable et sensible gueulante en faveur des nouveaux misérables".
Dans son texte, le journaliste Lançon se rappelle aussi du drame, ou plutôt l’après : "la minute horriblement silencieuse qui a suivi le départ des tueurs aux jambes noires. Tandis que les pompiers me soulevaient sur un fauteuil à roulettes de la conférence, j’ai survolé les corps de mes compagnons morts et soudain, mon Dieu, ils ne riaient plus", poursuit-il.
Et de conclure : "Il me faudra un peu de temps et de rééducation pour arriver à rire, la mâchoire est plus fragile que le cœur, mais j’y parviendrai, et ce sera parmi vous, mes collègues, mes compagnons, mes lecteurs et relecteurs, mes amis".