MEIGNEUX/SIPA
Pour illustrer le désarroi des chefs d’entreprise, le numéro 2 du Medef Geoffroy Roux de Bézieux a déclaré qu’un patron de PME se tuerait tous les deux jours.
Geoffroy Roux de Bézieux était l’invité de BFM Business au lendemain de l’intervention de François Hollande sur TF1 En direct avec les Français. Le vice-président du Medef était notamment interrogé sur les manifestations qu’ils mettront en place le 1er décembre afin "d’exprimer le ras-le-bol des patrons". "Pratiquement tous les jours, le gouvernement ajoute une mesure ou une taxe nouvelle. Les patrons n’en peuvent plus. Il est logique que l’on trouve un moyen calme et rationnel d’exprimer cette colère", avait-il ainsi répondu.
Mais il a également évoqué les cas de suicide chez les petits patrons. "Il y a un patron de PME qui se suicide tous les deux jours", a-t-il avancé. Un chiffre qui sort de nulle part révèle France TV Info ce jour. En effet, selon les investigations menées par les journalistes de L’œil du 20h, aucun statistique n’a été trouvé sur le sujet dans les bases de données officielles, ni à l’Inserm ni au ministère de la Santé.
En cherchant plus loin, l’équipe de L’œil du 20h a découvert que le Medef se base la plupart du temps sur les travaux de l’Amarok, un observatoire de la santé des dirigeants de PME basé à Montpellier. Contacté par France Info, Olivier Torrès, le directeur d’Amarok explique que le chiffre cité par Geoffroy Roux de Bézieux n’est qu’une évaluation basée sur une étude de l’Inserm, une étude incomplète et surtout vieille de huit ans.
"A ce jour, en France, il n’y a pas de statistiques sur le suicide au travail. Mon chiffre n’a d’ailleurs jamais fait l’objet d’une publication officielle", avoue-t-il. Reconnaissant n’avoir pu produire qu’une approximation, l’universitaire montpelliérain a recoupé deux séries de données très différentes pour arriver à de tel constat. Il précise par ailleurs que les résultats de son étude montrent deux suicides par jour.
La question se pose alors chez les citoyens lambda : peut-on se fier aux déclarations du Medef ? Néanmoins, il ne faudrait pas remettre en cause les deux suicides par jour, constatent les spécialistes. Dans tous les cas, la souffrance morale des petits patrons est une désolante réalité. L’histoire montre ainsi à quel point un chiffre très incertain peut s’incruster dans le débat public.