PIERRE VILLARD/SIPA
Edouard Philippe est samedi et dimanche en Guadeloupe avec l’ambition d’intensifier la coopération internationale pour lutter contre les sargasses, ces algues brunes dont les échouements massifs provoquent des émanations toxiques partout dans les Caraïbes.
Le Premier ministre est attendu samedi (16H30 locales, 22H30 dans l’hexagone) en clôture d’une conférence internationale à Pointe-à-Pitre qui réunit des délégations de toute la zone (Mexique, Etats-Unis, République dominicaine, Panama, Guatemala, Costa Rica...), avec l’idée de formaliser dans une "déclaration politique" une "alliance contre les sargasses", précise Matignon.
"Notre objectif est de prendre à bras le corps ce sujet", a insisté M. Philippe à son arrivée samedi matin en Guadeloupe.
Le Premier ministre a d’emblée constaté les dégâts causés par l’algue en visitant le restaurant "Chez Coco", niché au bout d’un lagon et actuellement fermé après avoir essuyé de multiples sinistres.
Montrant d’impressionnantes photos d’invasions de sargasses, son propriétaire, Romeo Rambinaising, a plaidé pour que "le gouvernement poursuive les investissements, que les pertes des entreprises soient prises en compte, qu’on trouve un vrai système pour gérer les échouages".
Dans son discours samedi, M. Philippe devrait rappeler "l’importance du dialogue multilatéral sur les questions d’environnement, de protection de la biodiversité, sur l’adaptation au changement climatique", selon Matignon.
Un message qui pourrait notamment s’adresser au président d’extrême droite et climato-sceptique brésilien Jair Bolsonaro. Le Brésil est représenté à Pointe-à-Pitre par des "instituts de recherche et certaines autorités" qui ont, elles, "participé bien volontiers", notent les services du Premier ministre. Car l’un des facteurs de la prolifération pourrait être l’apport de nutriments dans l’océan liés à la déforestation, notamment en Amazonie.
Depuis 2011, le phénomène s’est en tout cas intensifié. Les échouements réguliers bloquent parfois les ports, et dégagent en séchant de l’hydrogène sulfuré et de l’ammoniac qui peuvent provoquer maux de tête et vomissements.
Au cours d’une année 2018 dévastatrice sur ce point tant pour les riverains que les touristes, le gouvernement français a annoncé un plan de 10 millions d’euros sur deux ans, abondé pour moitié par l’Etat, et pour l’autre moitié par l’Union européenne et les collectivités. En permettant aux communes de s’équiper en machines, l’ambition est de contenir à 48 heures le délai de collecte de ces algues après leur arrivée sur le littoral, car passé cette échéance, les rejets toxiques débutent.
Un an et demi après le lancement de ce plan, M. Philippe a promis que "l’accompagnement" de l’Etat allait "se poursuivre dans la durée", sans toutefois préciser si l’enveloppe serait reconduite à son échéance. Une demande effectuée notamment par le président de région Guadeloupe Ary Chalus : "il est clair que nous n’allons pas nous arrêter ici, sinon c’est la mort de l’économie en Guadeloupe, en Martinique et des autres", a-t-il commenté samedi.
Mais "la bonne façon de régler le sujet, ce n’est pas de multiplier les plans années après années", a souligné M. Philippe.
"Il faut évidemment accompagner les pouvoir locaux pour trouver des solutions immédiates mais aussi se projeter dans l’avenir et trouver des solutions de long terme", a-t-il ajouté, plaidant pour traiter ce sujet "au niveau international".
En ce sens, la "déclaration commune" qui doit être adoptée par les Etats et organisations samedi devrait offrir un cadre juridique nécessaire pour accéder à certains fonds internationaux, voire à des indemnisations d’assureurs.
Emboîtant le pas en Outre-mer à Emmanuel Macron, qui a passé sa semaine dans l’océan Indien entre Mayotte et La Réunion, M. Philippe profitera aussi de son passage en Guadeloupe pour visiter dimanche le chantier du futur centre hospitalier universitaire (CHU) à Pointe-à-Pitre, dont l’inauguration est prévue en 2023.
Il se fera notamment présenter le bâtiment des soins critiques, remarquable pour "sa résilience face au risque sismique", vante-t-on à Matignon.
L’actuel CHU, durement touché par un incendie fin 2017 mais également en proie à des difficultés structurelles de gestion, financement et approvisionnement, sort pour sa part d’un mouvement de grève de deux mois et demi.
D’autres sujets pourraient s’inviter dans le séjour lors d’échanges avec élus et populations, comme celui, brûlant, du chlordécone, un insecticide dangereux utilisé de 1972 à 1993 aux Antilles. Alors que la responsabilité de l’Etat semble bel et bien engagée dans ce dossier, une commission d’enquête parlementaire, qui a auditionné quatre ministres la semaine passée, doit rendre son rapport avant le 4 décembre.
(source : AFP)