Face aux attentats qui ont secoué la France depuis janvier 2015, Nicolas Sarkozy a dénoncé la politique du gouvernement en matière de lutte antiterroriste et antiradicalisation. Dans une tribune publiée dans Le Monde, le garde des Sceaux Jean-Jaques Urvoas répond au président des Républicains, "au nom de l’efficacité, je refuse cette volonté de ’guantanamoïsation’ de notre droit", a-t-il affirmé.
Après l’attentat de Nice, l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy avait estimé que "tout n’a pas été fait" contre le terrorisme. Deux jours après l’égorgement d’un prêtre par deux djihadistes à Saint-Etienne-du-Rouvray, le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas monte au créneau. Dans une tribune publiée dans Le Monde ce jeudi 28 juillet, le garde des Sceaux réfute les propositions de l’ancien chef de l’Etat, qui s’est emporté mardi contre les "arguties juridiques, les précautions, les prétextes à une action incomplète".
Etablir un "système d’exception" ne serait pas plus efficace
Nicolas Sarkozy souhaite notamment le placement en détention des "individus fichés les plus dangereux" et la mise hors d’état de nuire des "auteurs probables d’un futur attentat". Autant de mesures qui porteront atteintes à l’Etat de droit, rétorque le ministre de la Justice. "La France ne peut pas concevoir le combat contre le terrorisme, contre la radicalisation, autrement qu’avec les armes du droit. Le droit n’est pas une faiblesse. Il est notre force", martèle Jean-Jacques Urvoas. "Emportés par l’émotion et l’inquiétude, la tentation est grande d’en appeler à la ’pensée magique’, quitte à sortir de notre Constitution, quitte à sortir de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), quitte à sortir de ce qui fait la France", poursuit le garde des Sceaux. "C’est ainsi que l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, qui a supprimé des dizaines de milliers d’emplois de magistrats, de policiers et de gendarmes, propose de réduire notre droit à un système d’exception". Pourtant, assure le ministre ce système mis en œuvre dans d’autres pays est "inefficace et ne saurait nous garantir contre les impulsions meurtrières des terroristes".
Le gouvernement a "été au plus loin des possibilités"
"Dans bien des domaines, nous avons été au plus loin des possibilités permises par la Constitution et nos engagements internationaux", assure aussi Jean-Jacques Urvoas. Le garde des Sceaux cite quelques dispositions adoptées après l’attentat de Nice : allongement de la durée de détention provisoire pour les individus suspectés de terrorisme ou interdiction de territoire pour les étrangers condamnés pour terrorisme. "Ces adaptations sont conformes à nos règles constitutionnelles et européennes, qui ne peuvent être considérées comme des ’arguties juridiques’ faisant obstacle à la mise en œuvre de moyens adaptés aux défis du terrorisme", souligne-t-il. Et de conclure : "L’arbitraire n’est pas acceptable et au nom de l’efficacité, je refuse cette volonté de ’Guantanamoïsation’ de notre droit". Certains élus de droite appellent à ouvrir un "Guantanamo à la française" pour les djihadistes.