L’enquête sur neuf disparitions ou meurtres d’enfants en Isère entre 1983 et 1996, confiée à une cellule de recherche inédite en France, illustre la difficulté à résoudre les "cold cases", ces dossiers classés, alors que mardi est la Journée mondiale des enfants disparus.
GRENOBLE (AFP) - L’enquête sur neuf disparitions ou meurtres d’enfants en Isère entre 1983 et 1996, confiée à une cellule de recherche inédite en France, illustre la difficulté à résoudre les "cold cases", ces dossiers classés, alors que mardi est la Journée mondiale des enfants disparus.
Scellés égarés ou détruits, données administratives indisponibles : les obstacles de la cellule de gendarmerie "Mineurs 38", créée en mai 2008 pour connaître le sort de quatre garçons et de cinq filles tués ou disparus en Isère alors qu’ils étaient âgés de 5 à 16 ans, ont été nombreux.
Le bilan de leurs travaux, qui ont donné lieu à près de 800 actes de procédure, sera présenté aux familles des victimes le 24 juin au parquet général de Grenoble.
S’ils ont pu "écarter l’hypothèse d’un tueur en série pour l’ensemble des cas", même si certains crimes présentent des similitudes, les enquêteurs n’ont pas résolu l’énigme, comme souvent dans ces affaires de disparitions d’enfants vieilles pour certaines de près de 30 ans.
"C’est un travail de bénédictin que nul ne regrette. Il n’y a pas d’échec. C’est une réponse satisfaisante sur le plan technique, mais qui ne l’est malheureusement pas" pour les familles, estime une source proche de l’enquête.
Une difficulté majeure pour les 12 enquêteurs, progressivement réduits à cinq, a été l’accès aux données vieilles de nombreuses années, contrairement à l’impression de facilité donnée par la série américaine "Cold case". "Un +cold case+, c’est compliqué. On ne réunit pas les pièces de procédures en 52 minutes", souligne un enquêteur.
Ainsi, les gendarmes espéraient pouvoir effectuer des prélèvements d’ADN sur des ossements d’enfants retrouvés dans le Vercors en 1985, mais le scellé avait été détruit, conformément aux règles, en 1996.
Les rares éléments disponibles, dont une cinquantaine d’appels reçus sur un numéro vert spécialement mis en place, ont été analysés par les enquêteurs. Des témoins comme le meurtrier d’un enfant en 1990 ont été auditionnés. En vain.
"Les enquêteurs ont interrogé des témoins dont la mémoire était défaillante, tandis que d’autres étaient décédés", souligne une source proche du dossier.
Le service technique de recherches judiciaires et de documentation de la gendarmerie a par ailleurs procédé à une étude de comparaison avec le mode opératoire de grands tueurs en série parmi lesquels Michel Fourniret.
L’enquête a également pâti d’une "lourde procédure" liée à ce regroupement inédit en France, initié par le parquet général, de quatre dossiers en cours d’instruction et de cinq dossiers classés, les autorisations devant être sollicitées auprès de trois procureurs et de deux juges d’instruction.
"La recherche de la vérité peut conduire à des désillusions mais si on n’avait pas fait ce travail, nous nous en serions voulus", souligne une source proche du dossier.
"Je n’ai qu’une envie, c’est qu’ils me disent +on boucle les dossiers+. Mon but c’est de retrouver ma soeur ou au moins son cadavre", espère encore Férouz Bendouiou, soeur de Charazed, disparue en 1987 et dont le dossier est prescrit.
Après juin, seule l’enquête sur les quatre dossiers en cours d’instruction se poursuivra.
Chaque année en France, une quarantaine d’homicides demeurent irrésolus et nécessitent de plus longues investigations, tombant dans la catégorie des "cold cases". La découverte de traces d’ADN permet de relancer certaines d’entre elles, parfois avec succès, parfois en vain, à l’instar de l’affaire Grégory.