Leila D. est venue au tribunal pour apporter son témoignage, mais au détour d’une phrase, elle a appris que sa fille est décédée.
La douleur est indescriptible pour Leila D. Elle est venue apporter son témoignage lors du procès du djihadiste Tyler Vilus, pourtant, elle a appris que sa fille enceinte est morte avec sa petite fille, depuis 2017.
Quand elle est rentrée dans la salle d’assises, elle était la seule qui n’était pas au courant de cette nouvelle. En effet, cette mère a été convoquée pour dire ce qu’elle connaît de l’accusé qui a épousé religieusement sa fille Inès Seftaoui en Syrie en octobre 2013.
Comme elle n’a reçu aucun signe de vie, depuis des années, Leila D. a bien évidemment, espéré avoir des nouvelles de sa fille lors de ce procès.
Le quotidien Sud Ouest relate qu’avec sa fine silhouette et ses cheveux grisonnants dénoués, elle s’est cramponnée un peu à la barre en demandant où est sa fille ? "Je ne sais pas ce que je fais ici… Je voudrais bien savoir où est ma fille. Depuis 2017, je n’ai plus de nouvelles", a-t-elle dit. Toute l’assistance retient son souffle, car à plusieurs reprises, la mort d’Inès Seftaoui, jeune franco-algérienne partie en Syrie à 19 ans, a été évoquée à l’audience.
D’ailleurs, par plusieurs sources, le djihadiste Tyler Vilus a appris cette "information" quand il était en prison. Sa seconde épouse Inès et leur petite fille Zineb sont mortes dans des bombardements, au moment de la chute de Mossoul (Irak) à l’été 2017.
A la demande de Leila D., le président Laurent Raviot semble un peu surpris et il a choisi de la ramener au dossier. "Elle est là pour parler de Tyler Vilus, jugé pour des crimes commis en Syrie entre 2013 et 2015, notamment pour avoir supervisé l’exécution de deux prisonniers", a-t-il annoncé.
Pourtant, la mère d’Inès a dit que sa fille était mariée avec un émir. Elle a mélangé un peu les informations. Ainsi, le président lui relit ses déclarations. En juillet 2013, elle a fait un signalement quand elle craint un départ de sa fille en Syrie. Puis, elle a reçu un coup de téléphone avec les renseignements, fin novembre annonçant qu’Inès venait de se remarier avec un autre djihadiste.
Petit à petit, la mémoire de Leila D revient, elle a relaté ainsi que premier mari d’Inès "l’avait foutue à la porte", le second "était méchant", le troisième "la laissait téléphoner" d’Irak.
Tout d’un coup, elle a compris que ce second mari s’agit de Tyler Vilus qui est assis sur le banc des accusés.
"Vous ne savez pas ce qu’est devenue votre fille ?" a demandé le président. Elle a réplique "non. (…) La DCRI, ils posent des questions mais ils ne donnent pas de réponse". "Votre fille serait décédée en 2017 dans un bombardement à Mossoul, ainsi que son enfant", a annoncé le président.
Cette nouvelle a fait vaciller Leila D. Avant de s’éclater en sanglots, elle a murmuré "ma fille est… morte ?, elle était enceinte de trois mois". Toujours debout, accrochée à la barre, la colère l’a soudainement envahi. Elle s’est tourné vers Tyler Vilus et lui demandait "pourquoi vous faites ça, pourquoi vous prenez nos enfants ? Ma fille voulait revenir, elle était traumatisée par vous". Le djihadiste a doucement répliqué qu’il était désolé et qu’il a lui aussi "perdu un enfant", mais la mère ne l’écoute plus.
Très attristée, Leïla D. s’est demandée pourquoi n’avoir pas "fermé les frontières ?" "Personne ne fait son travail". "On nous prend nos enfants et en plus on est traqué par la police (…) comme si c’était nous les terroristes", a-t-elle clamé.
Dans le box, Tyler Vilus est remué et impuissant, il a également appris le décès de sa fille dans le bureau du juge et a indiqué comprendre la douleur ressentie par cette mère. "Je suis encore plus désolé qu’elle apprenne le décès de sa fille ici", a-t-il réitéré.
Toute cette scène inattendue et troublante s’est terminée quand Leila D. a quitté la salle d’assises. Avant de s’en aller, le président lui a rappelé qu’elle peut être défrayée pour son déplacement depuis Nîmes.
De son côté, l’avocat général a expliqué qu’il était persuadé que cette dame avait été informée de la mort de sa fille. Il a aussi noté que Leila D. serait reçue dans l’après-midi pour entendre "les explications qu’elle est en droit d’attendre". Ainsi, elle pourra "commencer son travail de deuil". "On examine des faits graves depuis une semaine et on a probablement manqué d’humanité ce matin", a-t-il admis.
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