Graeme Sloan/Sipa USA/SIPA
Karine, alors âgée de 4 ans a été livrée et violée pendant des années par un homme déjà condamné pour pédophilie, mais la fillette n’a jamais été protégée.
Mercredi 17 février, Me Grégory Thuan va tenter de faire condamner l’Etat français pour "faute lourde" devant la cour d’appel de Paris, au motif qu’il n’a pas su protéger, Karine Jambu des sévices subis pendant son enfance.
Comme le relate le journal 20 Minutes, de 2002 à 2005, la fillette, alors âgée de 4 ans a été violée par Roland Blaudy, un homme, hébergé par ses parents à Rennes et qui a été déjà condamné pour pédophilie. Malgré de nombreux signalements, aucun acte n’a été réalisé pour protéger l’enfant.
L’avocat s’avancera avec des dossiers et des éléments concrets montrant tous les manquements. Il produira des preuves d’erreurs caractérisées, y compris de la part de magistrats, toujours en poste aujourd’hui. Durant le procès aux assises, l’avocat général s’était déjà excusé en estimant que ses prédécesseurs avaient "manqué de clairvoyance". "Si la faute lourde est reconnue, ce sera une première devant une cour d’appel", a estimé Me Grégory Thuan.
Pendant des années, Karine Jambu a subi des sévices, mais ses parents ne l’avaient pas protégé. Le procureur de l’époque avait plusieurs fois classé le dossier malgré les évidences et les multiples signalements. Le médecin de la famille (toujours en exercice), avait établi de faux certificats médicaux. Le juge pour enfants, certains policiers et bien d’autres personnes encore n’ont rien fait pour sortir la petite fille de cette vie infernale.
Avec sa tante Laurence Brunet-Jambu, Karine a ainsi décidé d’attaquer la France en justice pour sanctionner "cette multitude de fautes" et épargner d’autres victimes.
A peine 4 ans, Karine est violée à plusieurs reprises par Roland Blaudy sous les yeux à peine détournés de René et Anne-Marie, rappelle le journal 20 Minutes.
Son agresseur a acheté le silence des parents avec des cigarettes, de l’alcool ou des denrées alimentaires. Ces viols ont été régulièrement dénoncés par la tante de la fillette, mais la justice n’a rien fait. Devant les enquêteurs, Karine n’a pas osé raconter ces agressions, car elle a eu peur d’être maltraitée par ses parents, mais personne n’a rien fait.
Agée de 5 ou 6 ans, la petite fille avait eu des comportements sexués à l’école, et de nouveaux signalements ont été faits, mais la justice n’a encore rien fait.
Un fait inconcevable s’est produit en 2005 lorsque la fille de Roland Blaudy a déposé une plainte, mais la justice n’a même pas fait le rapprochement avec les signalements de Karine. "Cela se passait pourtant dans les mêmes murs au sein de la brigade des mœurs de Rennes. Dans le même service. Avec les mêmes personnes !", s’agace sa tante.
Le journal relate qu’il a fallu attendre 2018 pour que Karine puisse voir son bourreau Roland Blaudy être condamné à 30 ans de réclusion criminelle.
Lors du procès, la mère de la jeune femme, aujourd’hui âgée de 23 ans a livré un timide "on s’excuse". Sa maman a expliqué qu’elle n’avait "pas le temps de protéger sa fille" d’un homme condamné pour pédophilie. "Je faisais le ménage, la vaisselle. Je ne pouvais pas tout surveiller", a-t-elle lancé.
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Cette même année, le tribunal correctionnel de Paris était déjà entré en voie de condamnation pour "déni de justice", au motif que le parquet de Rennes avait mis un an à confier le dossier à un juge d’instruction. Selon le tribunal, ce délai est "anormalement long". Toutefois, pour une raison de prescription, la faute lourde n’a pas pu être retenue si elle semblait caractériser.
La jeune femme a décidé de faire appel. Son avocat a produit de nouveaux documents en espérant mettre l’Etat face à ses responsabilités. "Karine aurait dû être protégée avant même d’être née", a détaillé Me Thuan, puisque sa mère a déjà été condamnée pour avoir tué son nourrisson de 180 coups de couteau, 10 ans plus tôt. "Dès sa naissance, sa mère l’a délaissée. Le personnel de l’hôpital a fait part de ses inquiétudes mais rien n’a été fait", a-t-il renchéri.
Karine et sa tante ont étrillé la justice et l’aide à l’enfance dans un livre paru en 2018 et intitulé "SignalementS". Elles accusent nommément des magistrats de fautes graves en disant que tous ces faits ne seraient pas arrivés si la fillette avait été protégée. "On aurait pu arrêter tout ça. Mais tout le monde a préféré fermer les yeux", a dénoncé Laurence Brunet-Jambu.
Avec cette procédure, la victime souhaite et espère que les choses vont changer. "J’aimerais que certains s’excusent. J’aimerais que l’on reconnaisse des fautes pour que ça ne se reproduise plus. J’aimerais que la justice s’organise pour que l’on sache entendre la parole des enfants violés", a-t-elle expliqué. La jeune femme propose également l’instauration d’un département détaché pour les violences sexuelles comme c’est le cas au parquet financier ou pour les affaires terroristes.
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