L’ancien nonce apostolique en France, Mgr Luigi Ventura, a été jugé mardi 10 novembre à Paris pour agressions sexuelles. Le parquet réclame 10 mois de prison avec sursis à son encontre.
Monseigneur Luigi Ventura, 75 ans, a été jugé au palais de justice des Batignolles, à Paris, en l’occurrence pour des "mains aux fesses" sur plusieurs jeunes. L’ancien nonce apostolique en France a été absent au procès, car il est resté en Italie, certificat médical à l’appui, rapporte Le Figaro. Il a été représenté par son avocate Me Solange Doumic qui a contesté fermement les faits reprochés à son client. Mais le procureur a requis 10 mois de prison avec sursis contre lui pour "agressions sexuelles".
Trois des quatre plaignants, présents à l’audience, ont affirmé avoir subi des "mains aux fesses". Il s’agit d’un ancien séminariste qui a annoncé avoir subi ce geste avant et pendant une messe, un autre lors d’une réception au Meurice, et pour Mathieu et Benjamin à l’occasion de cérémonies de vœux de la mairie de Paris. Le concerné a été entendu par les enquêteurs en avril 2019 avant d’être confronté aux plaignants le mois suivant. Il a fermement contesté les faits. Le Saint-Siège a levé son immunité diplomatique en juillet et il a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris mardi 10 novembre.
Durant le procès, Mathieu et Benjamin ont insisté sur le sentiment de "sidération" qui les a empêchés de réagir après ces "gestes très explicites", à caractère très clairement sexuel, selon eux. "Ce n’est pas le seul ambassadeur dont j’ai eu à m’occuper en trois ans. Jamais un ambassadeur, latin ou non, ne s’est comporté comme cela, il est le seul", a martelé Mathieu. Il a également souligné attendre que la justice reconnaisse leur qualité de victimes. "Notre combat, c’est celui de gens qui ont été agressés. L’Eglise, ce n’est pas mon sujet, mon sujet, c’est Luigi Ventura", a-t-il réitéré.
L’ex-séminariste, préférant garder l’anonymat a indiqué que ce n’est pas pour attaquer l’Eglise. "Je suis catholique pratiquant, je l’aime. Ce n’est pas un complot, ce sont des faits que j’ai vécus et qui m’ont fait mal", a-t-il plaidé en affirmant avoir été "viré du séminaire" après cette affaire. Son avocate, Me Antoinette Frety lui a demandé : "qu’auriez-vous aimé dire à Luigi Ventura s’il avait été là ?", il a répondu : "Je lui aurais demandé : Monseigneur, pourquoi vous avez fait cela ?"
Dans sa plaidoirie, Me Jade Dousselin, conseil de Benjamin, a estimé avoir un "modus operandi extrêmement clair et précis". "Ce sont des jeunes hommes qui décrivent les mêmes faits, les mêmes gestes, dans les mêmes circonstances, dans un laps de temps d’un peu plus d’un an", a-t-il précisé. Selon elle, l’archevêque a choisi des hommes ayant plus ou moins le même âge, et il a aussi choisi des événements lors desquels ces hommes ne pourront pas réagir, et il le sait.
Les avocats de l’ancien séminariste a fait venir à la barre Frédéric Martel, plus tôt dans l’après-midi. Ce journaliste est l’auteur du livre Sodoma : enquête au cœur du Vatican. Il a déclaré qu’il ne connaissait pas personnellement Mgr L. Ventura, mais que ses "attirances" et les "attouchements" commis par ce dernier étaient "bien connus à Paris, antérieurement aux révélations par la presse des plaintes visant le prélat".
Le procureur a réclamé 10 mois de prison avec sursis à l’encontre de Mgr L. Ventura, lors de son réquisitoire. Il a évoqué "l’altération du discernement" du prévenu, attestée par les experts. Il a toutefois qualifié les déclarations des plaignants de "circonstanciées, réitérées, mesurées" et les victimes de "crédibles". Ce représentant du parquet a aussi rappelé l’existence de "témoins directs" et a rejeté l’hypothèse "absurde d’un complot". "La seule question que je me pose aujourd’hui, c’est : pourquoi nie-t-il les faits ?", a-t-il glissé.
Lors de sa plaidoirie, Me Solange Doumic a plaidé la relaxe. "Nous ne sommes pas face à quelqu’un qui est dans le déni, nous sommes face à quelqu’un qui dit : ’Je n’ai jamais eu d’intention sexuelle’", a-t-elle assuré. Elle a également insisté que le procès du mardi est celui de Mgr L. Ventura, et non celui de l’Eglise, ni du Vatican ou de l’homosexualité au Vatican. Selon ses dires, le témoignage de Frédéric Martel "n’a rien apporté aux débats". Le sort de l’ancien nonce repose désormais entre les mains des juges, qui rendront leur décision le 16 décembre.
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