L’abbé Pierre est visé par des accusations d’agressions sexuelles sur plusieurs femmes. Les archives de l’Eglise dressent le portrait d’un "grand malade mental".
La CEF (Conférence des évêques de France) a ouvert les archives de l’Église à la suite des révélations d’agressions sexuelles commises par l’abbé Pierre, sans attendre le délai de 75 ans après sa mort.
Désormais, chercheurs et journalistes peuvent consulter ce dossier au siège des archives de l’Église catholique, à Issy-les-Moulineaux, près de Paris. Comme le rapporte Le Figaro, ces documents comportent 216 pièces composées de courriers dactylographiés et lettres manuscrites.
Ces dossiers complètent les propos du président de la CEF Éric de Moulins-Beaufort. Le 16 septembre dernier, il a affirmé que "quelques évêques au moins étaient au courant dès 1955-1957 du comportement grave de l’abbé Pierre à l’égard des femmes". Toutefois, aucune précision sur la nature exacte de ses attitudes n’est mentionnée. Ces archives citent "accidents, misères morales, faits répréhensibles, ou encore état anormal".
Une lettre du 13 novembre 1964 provenant peut-être du secrétaire général de l’épiscopat résume cette affaire. Elle a cité un "grand malade mental" faisant l’objet de "perte de tout contrôle de soi, notamment après des livres à succès". Elle a assuré que "de jeunes filles en ont été marquées pour la vie". D’après ce document, l’abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, a agi "sans qu’il soit possible de le prendre en flagrant délit".
Des directeurs du secrétariat de l’épiscopat apparaissent dans le dossier comme Jean-Marie Villot (1950-1960). "Il ne faut pas se dissimuler que tout cela pourra un jour ou l’autre être connu et que l’opinion serait bien surprise alors de voir que la hiérarchie catholique a maintenu sa confiance à l’abbé Pierre", a-t-il écrit au cardinal Pierre Gerlier, archevêque de Lyon, en janvier 1958.
La crainte d’un scandale est récurrente, doublée d’une inquiétude face à l’envergure médiatique de l’abbé Pierre.
Les archives de l’Eglise ont également décrit l’abbé Pierre comme un homme, "dont les entreprises échappent totalement au contrôle de la hiérarchie (mars 1958), qui tente d’échapper à la discipline médicale (août 1958)".
Fin 1957, le concerné a été interné dans une clinique psychiatrique près de Genève (Suisse) où il a subi "un traitement de choc". "Si l’abbé est inguérissable", le secrétaire général adjoint de l’épiscopat avait réfléchi à lui trouver une clinique ou un asile qui l’abrite jusqu’à la fin de ses jours. En revanche, s’il guérit, il avait envisagé à l’orienter "vers un ministère de dévouement silencieux, au sein d’un pays sous-alimenté, dans un hôpital de brousse, dans un village de lépreux".
L’abbé Pierre est sorti de clinique en 1958. Diverses limites ont été instaurées comme la surveillance par un accompagnateur ("socius"), l’interdiction de confesser, de prendre la parole en public....
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