Le maréchal des logis-chef J., qui a lancé la grenade causant la mort du jeune Rémi Fraisse, opposant au barrage de Sivens, a apporté des détails sur les conditions de l’opération à deux policiers judiciaires chargés de l’enquête.
Le 26 octobre, des affrontements éclatent entre les manifestants contre le barrage de Sivens à Tarn et les forces de l’ordre. Ces dernières décident alors de lancer une grenade offensive. « Le maréchal des logis-chef J. a lancé la grenade qui a tué le jeune Rémi Fraisse, le dimanche 26 octobre, à 1 h 50 du matin », rapporte le Parisien. Pour les besoins de l’enquête, le maréchal âgé de 32 ans a raconté à 2 officiers de police judiciaire le déroulement des faits.
« La journée du samedi 25 octobre a attiré un grand nombre de manifestants du fait des venues de personnalités politiques », a-t-il annoncé précisant qu’« aux alentours de 23 h 50 », son escadron a rejoint la forêt de Sivens. « Par rapport à ma position, les manifestants sont à environ 30 ou 40 m, ils ont allumé des petits feux ». Lui de préciser par la suite que les opposants au barrage « sont provocants dans leurs propos et nous insultent. On sent que l’atmosphère est lourde. La situation peut dégénérer d’un instant à l’autre ».
Grâce aux projecteurs et jumelles à vision nocturne, il a pu estimer qu’il y avait entre 80 et 100 manifestants face à lui. Par contre, il n’a pas pu avoir une idée sur le nombre de ceux qui « progressent en approche de nos positions en longeant la D 132 », évoque-t-il. D’ailleurs, la faible luminosité sur le site n’a pas permis de « voir l’ensemble des manifestants », précise-t-il. « Petit à petit, la situation se dégradé. Ils jettent des projectiles sur les militaires situés au niveau du portail d’accès. Ils provoquent. Ils harcèlent. Nous avons le sentiment qu’ils cherchent une réponse de notre part », poursuit-il.
Concernant les ordres de ses supérieurs, ce gradé qui avait effectué un parcours sans faute au sein de la gendarmerie indique que « Dans un premier temps, les directives de notre hiérarchie sont claires, à savoir qu’on maintient notre position sans réplique de notre part ». Puis, « l’agression des manifestants devient plus intense et violente. Ils se rapprochent de nos positions. Ils sont de plus en plus nombreux. Les directives de notre commandement varient », révèle-t-il.
Face à la pression des manifestants qui s’accentue, et « conformément aux ordres », « les individus les plus virulents » ont été visés par des tirs de flash-balls, dit le gendarme. Touché, l’un des manifestants aurait appelé à l’aide. « J’ai constaté qu’un groupe de 5 à 6 personnes déterminées venait vers nous. Il était suivi de quelques mètres par un groupe plus nombreux. Ils étaient violents, agressifs et motivés. Ils nous projetaient des pierres ». « Je prends la décision de jeter une grenade offensive », affirme-t-il en précisant « Je préviens les manifestants de mon intention ». Comme il y a un grillage « Je suis obligé de la jeter par-dessus », ajoute-t-il continuant dans sa lancée : « Je la dégoupille, il fait noir mais je connais leur position ». Il a souligné qu’ayant constaté qu’« Ils bougent beaucoup », il a tout fait pour « éviter de l’envoyer sur les manifestants eux-mêmes ».
Après le tir, « Deux de mes camarades me disent qu’ils ont vu quelqu’un tomber », raconte-t-il. Selon le gradé, les manifestants « sont tous partis au moment de l’explosion », et le commandant d’unité a quant à lui annoncé la mort de Rémi Fraisse « cinq à dix minutes » après.