Les meilleurs nageurs mettent moins de dix heures pour traverser la Manche à la nage, il faudra sûrement plus de 24 heures à Philippe Croizon, amputé des quatre membres après une électrocution, pour accomplir cet exploit à la seule force de deux prothèses équipées de palmes.
LA ROCHELLE (AFP) - Les meilleurs nageurs mettent moins de dix heures pour traverser la Manche à la nage, il faudra sûrement plus de 24 heures à Philippe Croizon, amputé des quatre membres après une électrocution, pour accomplir cet exploit à la seule force de deux prothèses équipées de palmes.
Depuis bientôt deux ans, cet ancien ouvrier métallurgiste s’entraîne jusqu’à trente heures par semaine pour accomplir son rêve, fait il y a seize ans sur son lit d’hôpital en voyant à la télévision un reportage sur une nageuse qui venait de traverser la Manche.
"Quand je l’ai rencontré la première fois en septembre 2008, il était incapable de faire deux longueurs, il n’avait pas du tout de condition physique", se souvient son coach, Valérie Carbonel, financée par la ville de Châtellerault (Vienne).
"Il n’avait aucune endurance, ses prothèses ne le propulsaient pas du tout", explique l’éducatrice sportive. Philippe, 42 ans, se montre vite très pugnace. Outre l’entraînement, ce père de deux enfants s’active à faire fabriquer le modèle de prothèse le mieux adapté à son défi.
"Au départ, elles étaient très lourdes et ne me permettaient pas d’avancer, maintenant elles sont beaucoup plus souples, légères et ne se tordent pas", se félicite Philippe, électrocuté par plusieurs décharges de 20.000 volts le 5 mars 1994 alors qu’il démontait son antenne de télévision, juché sur une échelle en inox.
Cette semaine, il a testé leur efficacité au large de La Rochelle où il s’est entraîné, sous la surveillance des gendarmes de la brigade nautique de La Rochelle-Royan, dans une eau à 16 degrés.
"Il était déjà venu s’entraîner une semaine en septembre, depuis, il s’est nettement amélioré et il a mis à profit tous les conseils qui lui avaient été donnés", remarque Eric Durand, l’un des gendarmes l’accompagnant.
"C’est très enrichissant car cette semaine j’ai affronté une mer plutôt forte, telle que je risque de la rencontrer lors de ma traversée", lance Philippe sans un seul signe de fatigue en dépit de deux heures passées à affronter un fort courant et une mer un peu agitée.
En moyenne, il avance à un peu moins de 3 km/h contre une moyenne comprise entre 4 et 5 km/h pour les valides. Il table donc sur un minimum de 24 heures pour traverser, entre le 13 et le 20 septembre prochains, les 33 km en ligne droite qui séparent l’Angleterre des côtes françaises.
Quand il est dans l’eau, rien ne le distingue vraiment des autres nageurs. Il palme grâce à des prothèses fixées à ses moignons de jambes. Ses moignons de bras ne lui servent pas à avancer mais lui permettent de trouver l’équilibre et de ne pas souffrir du mal de mer.
Le tuba s’est vite révélé indispensable, lever la tête étant quasi-impossible en raison de son manque de muscles au niveau des épaules. Pour le ravitaillement, il se fait par le biais d’une bouée à laquelle il s’accroche pour boire à la paille le contenu de deux gourdes.
Le fait de nager avec un tuba, une combinaison et des palmes fait que son record ne pourra pas être officiellement homologué. Une déconvenue vite oubliée par celui qui, depuis 16 ans, n’a cessé de se battre. "Je le fais pour moi mais aussi pour être un porte-drapeau pour toutes les personnes handicapées qui croient que la vie n’est que souffrance", explique Philippe, qui avait déjà fait parler de lui, il y a trois ans, quand il avait sauté en parachute.