Le Syndicat de la magistrature a appelé la préfecture mahoraise à suspendre la lutte contre l’immigration clandestine en raison de son inefficacité. L’instance accuse notamment la préfecture de maintenir volontairement des étrangers au CRA à la suite du blocus comorien.
La situation à Mayotte en termes d’immigration clandestine est complexe. Depuis le 21 mars 2018, les Comores ont interdit le renvoi des migrants comoriens en situation irrégulière de Mayotte. Et depuis, les sans-papiers interpellés sont envoyés au Centre de rétention administrative (CRA) au lieu d’être renvoyé dans leur pays. Normalement, leur séjour dans les lieux ne devrait pas excéder de cinq jours, sans faire d’entorses à la loi. Au vu du blocus comorien, des prolongations exceptionnelles de rétention ont cependant été accordées.
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Le problème est que cette pratique est en train de perdurer. La préfecture mahoraise saisit toujours le Juge des Libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance afin de prolonger les rétentions. Le Syndicat de la Magistrature fait maintenant état de requêtes " à plus de 700 reprises". "Les décisions de ce magistrat donnent lieu à un rejet systématique de la requête puisque la loi française n’autorise la prolongation de la rétention administrative qu’aux fins de permettre une reconduction effective à la frontière dans un délai raisonnable ", argue la préfecture. Malheureusement, avec le blocus comorien, le renvoi des migrants clandestins n’est pas possible.
Les magistrats accusent ainsi la préfecture d’une "instrumentalisation de l’institution judiciaire par les autorités de l’État". Ils critiquent notamment l’absence aux audiences. "Elles ne font jamais appel des décisions de rejet", lance le Syndicat de la Magistrature.
Toujours d’après cette dernière, les autorités préfectorales veulent conduire une politique du chiffre. Pour cela, ils ne prennent pas la responsabilité de faire partir les migrants clandestins. Les responsables de la préfecture "se défaussent de leurs responsabilités derrière un magistrat qui sera immanquablement taxé de laxisme alors qu’il ne fait qu’appliquer la loi".
Dans ce sens, le Syndicat de la magistrature appelle la préfecture à arrêter toute opération de lutte contre l’immigration clandestine, en considérant les relations actuelles avec les Comores. "Continuer à agir ainsi revient à tromper la population mahoraise en leur faisant croire que de cette manière l’État lutte contre l’immigration illégale", ont-ils fait valoir.
Outre la trahison envers la population locale, cet amalgame entraîne un véritable gâchis de ressources humaines et financières. En effet, les autorités sont censées travailler pour une lutte qui ne sera jamais totalement abrogée. "L’aide juridictionnelle accordée aux étrangers et la prise en charge des personnes retenues à l’occasion de ces recours vains ont un poids important pour le budget de la justice et donc de l’État. Ces moyens pourraient être beaucoup mieux employés", conclut le Syndicat des magistrats.
Source : lejournaldemayotte.yt