Avec une culture mahoraise très imbriquée dans la religion musulmane, l’application de la laïcité dans son concept idéologique pose encore un problème.
Face à une culture mahoraise très attachée à la religion musulmane, Hamidani Ambririkin, docteur en philosophie, a tenté de démontrer la difficulté de l’application de la laïcité dans son concept idéologique sans pour autant remettre en cause le principe universel de la laïcité. Sur le récit du site mayotte.orange.fr ce mercredi, il retourne quelques années plus tard en revoyant la loi de 1958 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat. "La conception française de la laïcité a été élaborée dans un esprit anti religieux et anticlérical, pour réduire l’influence de l’Eglise catholique. Plutôt que de demander de demeurer neutre, on a imposé l’incroyance à tous les esprits. Mais les Mahorais ne sont pas dupes ! On supprime le caractère sacré de l’existence", a-t-il annoncé avant de rajouter qu’il s’agit d’une forme de laïcité "belliqueuse".
Par ailleurs, Hamidani Ambririkin parle d’une perte d’identité fondamentale, "d’autant plus qu’avec l’arrivée des programmes télé dans les maisons, les Mahorais deviennent individualistes, méchants même ! On voit bien que le progrès technique n’est pas synonyme de progrès idéologique ». Ces propos ont suscité une vague de réactions au sein de l’hémicycle au point de devenir une véritable polémique. « Ca me laisse perplexe", "des propos dangereux" selon les présidents des Conseils Economique, Social et Environnemental.
Face aux idées divergentes, Mouhoutar Salim, ingénieur à l’Agence Régionale de Santé, a mis les choses au clair en donnant une explication sur l’ensemble cohérent que forment la culture et la religion. "C’est un code qui règle la vie sociale, politique, religieuse, individuelle et collective" a-t-il déclaré. Ce dernier de rajouter que "son facteur d’unification de la société mahoraise est palpable, que l’on soit pratiquant ou non, consommateur d’alcool ou non, on est tous membre de la communauté musulmane". Situation qui pourrait alors favoriser l’exclusion des occidentaux, chrétiens ou non. "Ce n’est pas le cas puisque nous avons élu par le passé un sénateur catholique et que, le fameux serment de Sada qui a forgé en 1958 la démarche vers la départementalisation, a été signé par des catholiques et des musulmans autour de Georges Nahouda", souligne-t-il.
Les deux hommes conçoivent que l’islam applique déjà la laïcité sachant qu’"il est interdit de contraindre quelqu’un à être musulman", et la suprématie masculine typique de la religion musulmane est équilibrée ici par la matriarcalité de la société, "des femmes qui d’autre part, ont souvent porté le combat politique comme ce fut le cas des chatouilleuses".
On se doute que la République française se limite aux bonnes intentions mahoraises, bien qu’elles soient exemplaires, et que des garanties institutionnelles sont nécessaires. C’est la raison pour laquelle Mouhoutar Salim appelait à l’application d’une laïcité intelligente "dans une île où la polygamie existe toujours, refuge contre la précarité pour les femmes, et où la fête de Noël est célébrée comme une réjouissance familiale".
Par ailleurs, de nombreux exemples démontrent encore la difficile frontière entre laïcité, culture et religion. Parmi les cas concrets figurent l’interdiction en mars d’un mulid (fête religieuse) par la gendarmerie qui considère qu’elle est trop bruyante en mars. On peut également citer la restitution d’un corps par le CHM sans rites funéraires traditionnels ou encore le dépôt d’une tête de cochon devant la mosquée de Labattoir. "Tout cela provoque une exaspération chez les Mahorais".
Le débat de la laïcité vise dont à décrypter la société mahoraise afin que des doléances puissent être entendues avant qu’elles ne se transforment en rancœurs. Hamidani Ambririki réclamait : "On ne peut pas sanctionner des filles qui porte le châle traditionnel, et encenser celles qui viennent en cours en mini jupe et quasiment dénudées. Surtout qu’ici, elles ne se cantonnent pas au châle, elles alternent".
Pour Hamidani Ambririki et Mouhoutar Salim, ce débat est une aubaine pour la France, "une chance de pouvoir tenter l’expérience et la transposer à d’autres régions".