Madagascar est connue comme l’un des plus grands mystères non résolus de l’histoire naturelle. Sa très grande biodiversité est une énigme. Après le Mozambique le mois dernier, le programme La Planète Revisitée se consacre à Madagascar.
Tenter d’expliquer les niveaux extraordinaires d’
endémisme végétal et animal de la grande île, voilà le pari de nombreux chercheurs. Proche du Mozambique, séparée par le canal du même nom et le puissant Courant des Aiguilles, Madagascar renferme une énigme. L’île est à la marge de la province biogéographique de l’Océan Indien. Résultat : elle est pauvre en espèces marines. Pourtant les collectionneurs de coquillages vont de découverte en découverte. C’est le
mystère de Madagascar.
"Au cours des dix dernières années les collectionneurs de coquillages qui sont plus nombreux que les scientifiques et qui couvrent plus de terrains que nous, ont découvert des nouvelles espèces de cônes, des nouvelles espèces de porcelaines, de volutes, et donc nous devons aller voir là bas, le potentiel de découverte", déclare Philippe Bouchet, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle.
Ce premier volet de plusieurs expéditions orchestrées par le Muséum national d’Histoire naturelle et l’ONG Pro Natura International a pour objectif de cibler les
hotspots de la biodiversité les plus menacés et les laissés-pour-compte.
Ce mystère du Sud Malgache, et les découvertes successives de nouveaux coquillages ont mis la puce à l’oreille de Philippe Bouchet, du Muséum d’Histoire naturelle. Selon lui, ces découvertes ne sont que la partie émergée de l’iceberg : qui sait ce que les chercheurs vont découvrir parmi les familles comme les oursins, les algues ou les crustacés, qui n’attisent pas la convoitise des collectionneurs ? Il se pourrait que, parmi les espèces collectées par les membres de l’expédition La Planète Revisitée, près de la moitié soient endémiques du sud malgache. "J’ai choisi ce secteur car sur le plan hydro climatique, sur le plan des masses d’eau, de la température de l’eau, l’extrême sud de Madagascar n’est pas tropical. Ca n’a rien à voir avec le reste de Madagascar, c’est une région avec des eaux relativement froides une partie de l’année, un peu comme en Bretagne", poursuit Philippe Bouchet.
Il y aura une équipe basée à terre à Fort dauphin pour récolter dans un rayon de une heure de bateau, et qui ramèneront des échantillons qui seront triés et photographiés à terre et l’Antéa permettra de couvrir l’ensemble du littoral. Une deuxième équipe travaillera dans le canal du Mozambique lui-même dans des fonds compris entre 100 et 1000 mètres de profondeur. "Il y a 240 000 espèces connues dans les océans au jour d’aujourd’hui, dont 13 000 espèces de poissons marins, on veut revenir avec des échantillons les plus complets possibles", annonce Philippe Bouchet.
Dans ce Canal du Mozambique, les chercheurs s’intéresseront à une zone plus profonde, la zone bathyale. Un partenariat avec l’Institut Espagnol d’Océanographie a déjà permis de réaliser une campagne préliminaire. En avril 2009, pendant une petite dizaine de jours de mer, 18 participants de diverses nationalités (espagnols, mozambicaines, américains, taïwanais, français) ont effectué 45 opérations de dragage et de chalutage, entre 100 et 1800 m de profondeur, sur des fonds crevettiers du sud du Canal du Mozambique.
Il s’agira désormais d’approfondir les recherches, afin d’obtenir une vision plus claire de la biodiversité présente dans cette partie du Canal du Mozambique. Une région qui n’est pas épargnée par l’épuisement des ressources marines, lié à la surpêche. Après être passé de 5 millions de tonnes par an à la fin du XIXe siècle à 86 millions de tonnes par an à la fin des années 1980, les proportions de prises mondiales déclinent. L’amenuisement des stocks à proximité des côtes amène les exploitants à chaluter à des profondeurs de plus en plus grandes, parfois jusqu’à 2000 ou 3000m.
Ces chalutages profonds raseraient au fond des océans une surface cent cinquante fois plus importante que celle détruite par la déforestation. Ces pratiques ravagent pour longtemps des écosystèmes ayant fait l’objet de très peu d’études scientifiques, comme le Canal du Mozambique.
La Planète Revisitée s’inscrit dans le retour des grandes expéditions naturalistes débutées au milieu du XVIIIème siècle, mais cette fois-ci dans une course contre la montre des extinctions.
Peu de données existent sur la situation de Madagascar, seules les régions de Tuléar et de Nosy Bé ont déjà fait l’objet d’inventaires. L’évaluation et l’étude de l’endémisme périphérique de la grande île constitueront donc les thèmes principaux de l’exploration du grand sud malgache.