Dans le cadre de la semaine d’information sur la santé mentale, les professionnels se mobilisent pour sensibiliser la population. L’occasion pour les psychiatres urgentistes de présenter leurs missions quotidiennes.
Si le médecin généraliste est en général le premier "filtre" dans la détection d’une maladie mentale, les psychiatres urgentistes restent très sollicités en raison de la pénurie d’effectifs qui touche la Réunion.
Médecin spécialisé dans le diagnostic et le traitement des maladies mentales, le psychiatre est le seul praticien autorisé à prescrire des médicaments. Le psychiatre traite toutes les maladies mentales mais aussi les troubles "plus légers" comme les phobies ou les insomnies.
Dans le département, il existe bien des centres dédiés au traitement des maladies mentales mais les patients se tournent bien souvent d’abord vers les psychiatres urgentistes tant les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous sont importants. Résultat, les unités d’urgence psychiatrique sont confrontées à une plus grande affluence.
Le psychiatre recourt à l’écoute et au travail sur le corps, et propose parfois une psychothérapie, selon sa formation. Si besoin, il peut également prescrire un traitement chimique (psychotropes, neuroleptiques pour les schizophrènes, anxiolytiques pour calmer les angoisses). Le professionnel de santé peut aussi suggérer ou imposer une hospitalisation.
Les "accidents de la vie" représentent 70% des prises en charge
L’Unité de crise et d’urgences psychiatriques est intégrée au sein même du service des urgences et se fixe deux missions principales :
- d’une part, l’accueil en urgence, 24h/24, de toute situation de crise. Dans la pratique, 30% de ces urgences sont liées à des patients présentant une décompensation aiguë d’une maladie psychiatrique. Dans 70% des cas, il s’agit de crise relationnelle (famille, couple, problème de l’adolescence,...).
- un travail de crise sur le lieu même de l’urgence. Dans un grand nombre de cas, il est proposé au patient et à son entourage de revenir rapidement en consultation dans l’unité. Cela permet un travail de crise dans des situations où un psychiatre n’aurait jamais été d’emblée consulté.
A son arrivée à l’unité d’urgence psychiatrique, le patient pris en charge peut faire l’objet d’examens cliniques, d’un bilan sanguin, et même d’une imagerie cérébrale avant un entretien avec un psychiatre. Ensuite, plusieurs réponses offertes par les professionnels : un traitement sous médicaments avec suivi en consultation est prescrit dans la plupart des cas.
Une hospitalisation libre ou sous contrainte peut aussi être décidée dans des établissements agréés. A La Réunion, seuls les établissements publics sont habilités pour ces hospitalisations.
Depuis quelques années, une circulaire prévoit que la prise en charge des urgences psychiatriques doit se faire près d’un plateau technique des urgences chirurgicales.
Pour le Docteur Gokalsing, psychiatre urgentiste à l’hôpital Gabriel Martin, "cette proximité est nécessaire car elle permet de dépister des maladies indétectables" et d’allier les soins somatiques aux soins mentaux.
Le praticien cite l’exemple d’un jeune homme qui a commencé à tenir des propos incohérents et qui relatait des événements qui ne s’étaient jamais produits. A première vue, son état laisser penser à une maladie mentale mais les examens pratiqués ont contredit cette première hypothèse. En réalité, le patient avait fait un arrêt cardio-vasculatoire qui avait entraîné des lésions cérébrales, responsables de son discours dénué de sens.
La Réunion compte aujourd’hui trois unités d’accueil d’urgence psychiatrique : une à Saint-Pierre qui est gérée par le CHU de Saint-Pierre. Les deux autres unités d’urgence psychiatrique situées à l’hôpital Gabriel Martin et au CHR Félix Guyon sont gérées par l’Etablissement de Santé Publique Mentale de La Réunion. L’unité de psychiatrie d’urgence est une unité "de premier recours", rappelle le Docteur Kovalsign.
Les unités d’urgences psychiatriques assurent un rôle majeur dans la mesure où le département est confronté à une pénurie de psychiatres. A titre indicatif, entre Saint-Denis et Saint-Joseph, sur la côte Est, un seul psychiatre libéral est en exercice.
Deux raisons expliquent ce manque cruel d’effectifs :
- d’une part la mise en place d’un numerus clausus qui s’est faite sans anticipation des départs à la retraite. Conséquence : comme la pédiatrie, la psychiatrie est touchée par une forte pénurie de personnels ;
- à La Réunion, on note aussi un retard au niveau des structures en comparaison avec la métropole.
La création du Pôle Sanitaire de l’Ouest permettra d’augmenter les moyens de l’unité de psychiatrie d’urgence qui dispose actuellement de 4 lits d’hospitalisation de courte durée.
Des missions variées
L’unité de psychiatrie d’urgence voit défiler de nombreux patients. Les professionnels de santé assurent également la prise en charge des suicidant. Sur ce point, les professionnels interrogés indiquent que les tentatives de suicide sont plus violentes depuis quelques mois : pendaison, précipitation dans le vide, arme à feu et bien souvent, la prise d’alcool est associée à ces drames.
Et pour cause, la consommation de boisson alcoolisées entraîne une désinhibition qui facilite le passage à l’acte de ces personnes en grande souffrance.
La majeure partie des pathologies sont dues à des "accidents de la vie". Bien souvent, les personnes ne parviennent pas à réagir à un deuil, qu’il s’agisse du décès d’un proche ou de la fin d’une relation sentimentale. La particularité de La Réunion, c’est que les maladies sont en général mises sur le compte du mauvais sort ou des mauvaises intentions d’autrui.
La victimologie entre en ligne de compte aussi. L’unité d’urgence de psychiatrie accueille aussi les personnes qui sont victimes d’agressions, de violences conjugales, de souffrances au travail. Le phénomène de stress à répétition fragilise l’organisme et l’appareil psychologique et peut conduire à terme à des troubles mentaux.
Les professionnels observent à La Réunion les mêmes pathologies qu’en métropole : schizophrénie, troubles bipolaires, dépressions majeures, paranoïa. Pour les praticiens en exercice à La Réunion, la semaine d’information sur la santé mentale est une manifestation essentielle car elle donne aux professionnels l’occasion de sensibiliser la population au travail qu’ils effectuent au quotidien.