La présidente de l’Organisation Non Gouvernementale Sea Shepherd Conservation Society, Lamya Essemlali a publié hier sur le site internet de l’organisation un éditorial acéré sur ses "concitoyens réunionnais". Qualifiant les surfeurs de la Réunion de "froussards vindicatifs", la présidente de l’antenne française de l’association a dénoncé "une chasse aux sorcières décérébrée" des requins, soulignant que les squales font moins de morts par an que les autruches.
Fondée en 1977 aux Etats-Unis, l’Organisation se donne pour mission principale principale : la protection des mammifères marins, notamment le combat pour l’arrêt de la chasse des baleines et des phoques et la défense de la faune marine en général. A travers plus de 200 voyages dans le monde, l’organisation milite pour défendre les vies marines en danger.
L’organisation s’oppose farouchement à la pêche aux requins, décidée par la préfecture suite à l’attaque de requin qui a coûté la vie au jeune Mathieu Schiller le 19 septembre dernier. Cette mesure a été prise devant la multiplication des attaques de squales survenues depuis le début de l’année. Dans ce cadre, deux sociétés de pêche en gros ont été mandatées pour capturer une dizaine de requins maximum qui se seraient sédentarisées non loin du rivage. Hier, un requin bouledogue a été pêché et autopsié.
Visant les surfeurs réunionnais, qu’elles considèrent comme les instigateurs de cette pêche, la présidente de l’antenne France estime qu’ils ont à prendre "leurs responsabilités" et dénonçant le "massacre de magnifiques créatures". Saluant la mémoire de Mathieu Schiller, la présidente estime qu’il est "insultant" que cette pêche soit fait "en son nom".
Editorial publié sur le site internet de Sea Shepherd Conservation Society par Lamya Essemlali :
"En tant que femme française, je suis profondément choquée de l’attitude de certains de mes concitoyens réunionnais. En effet, on dirait bien qu’une partie des surfers de la Réunion ne soient rien d’autre qu’une bande de froussards vindicatifs.
Le 19 septembre dernier, un requin a attaqué et tué le bodyboarder Mathieu Schiller, âgé de 32 ans. Cet accident est une tragédie que nous regrettons tous mais il ne s’agissait aucunement d’un acte de malice. C’est le genre de chose qui peut arriver. Pour un requin, vu de dessous la surface, un homme sur une planche ressemble à s’y méprendre à la silhouette d’un phoque. Les phoques et les requins font partie de ce milieu naturel et les phoques sont la proie naturelle des requins. Et même si les phoques ne sont pas présents dans l’île de la Réunion ils font néanmoins parti des proies naturelles des requins. Les surfers en revanche ne font pas partie de l’éco-système marin.
Les requins restent confinés à leur milieu naturel et ils n’investissent jamais le nôtre. Le nombre moyen de personnes tuées chaque année par les requins dans le monde est de cinq. À titre de comparaison, les autruches tuent en moyenne une centaine de personnes par an, ce qui veut dire que les autruches sont vingt fois plus dangereuses que les requins. Et pourtant on ne voit pas beaucoup de gens crier au scandale et exiger la ’’chasse préventive’’ des autruches...
En fait, n’importe quel joueur de golf s’avère être plus courageux et viril que le surfer réunionais moyen. Chaque année, plus de golfeurs sont tués en étant frappés par la foudre sur un terrain de golf qu’il n’y a de surfers qui meurent des suites d’une attaque de requin.
Sea Shepherd Conservation Society est soutenue par de nombreux surfers dans le monde. Kelly Slater et Dave Rastovich, deux des meilleurs surfers au monde, font partie de notre bureau de conseillers. Nous avons trois plongeuses qui nagent régulièrement avec des grands blancs et des requins-tigres et nos équipages surfent et nagent avec des requins à longueur de temps.
Mais sans doute est-ce parce que nous ne sommes pas faits du même bois que ce groupe de surfers pleurnichards de la Réunion s’est lancé dans cette chasse aux sorcières décérébrée, en quête de vengeance, suite à l’attaque récente de l’un des leurs. L’expédition punitive a déjà commencé avec la mise à mort hier matin d’un premier requin bouledogue d’un mètre quarante-quatre. L’arreté préfectoral soutenu par une grande partie des surfeurs autorise l’abattage d’une dizaine de squales.
Comparez donc cette réaction à celle de la jeune adolescente Hannah Mighmal, alors âgée de quinze ans, mordue par un requin en Tasmanie, il y a deux ans. La première chose qu’elle fit fut de déclarer publiquement qu’elle ne voulait pas que l’on tue de requins en représailles, car ils ne sont pas fautifs. Nous lui avons remis une médaille et Kelly Slater l’a personnellement félicitée pour avoir compris que les surfers se doivent de respecter la Nature et non la mépriser.
Ou encore le cas de ce membre de Sea Shepherd, mort récemment à la suite d’une attaque de requin. Il avait dit à ses parents que si un requin s’en prenait un jour à lui, il ne voulait pas qu’on cherche à le venger et qu’au contraire, il souhaitait que tous les soutiens qu’ils pourraient recevoir soient reversés à Sea Shepherd pour nos campagnes de protection des requins.
Chaque année, les humains exterminent 90 millions de requins, une grande partie d’entre eux voient leurs ailerons arrachés avant d’être rejetés à la mer, promis à une mort lente et douloureuse.
Les requins sont une espèce essentielle à la santé de nos océans et seuls des ignorants peuvent souhaiter les voir disparaître. Si nous éliminons les requins, nous détruisons l’intégrité écologique des océans et si les océans meurent, nous mourrons avec eux. Ce qui veut dire aussi, plus de surfer boys...
En tant que femme française, je reste perplexe devant ces pseudos surfers français qui réclament hystériquement le lynchage des requins dans les eaux réunionnaises quand une vraie surfeuse comme la jeune Hannah Mighmal, âgée de quinze ans, a le courage et la sagesse d’accepter la responsabilité qui est la sienne, lorsqu’elle prend le risque conscient et volontaire de surfer dans l’habitat naturel des requins, littéralement déguisée en la proie naturelle des squales.
Qu’il est insultant à la mémoire de Mathieu Shiller que le massacre de ces magnifiques créatures soit mené en son nom. Mathieu Shiller était un grand surfer et, en tant que tel, je présume qu’il respectait la mer et les magnifiques créatures qui la peuplent - requins y compris. Comment vous, surfers de la Réunion pouvez-vous croire faire honneur à la mémoire de ce grand homme, de ce talentueux surfer en menant cette campagne indigne de vengeance à l’encontre d’une créature cruciale et magnifique qui n’a rien fait d’autre que de se comporter de manière naturelle. Après tout, les requins ne nous pourchassent pas sans pitié par millions pour concocter un bol de soupe. Ils ne sont ni destructeurs, ni vindicatifs comme nous le sommes avec à peu près tout ce qui vit dans les océans.
Faites donc ce qui est juste pour Mathieu Shiller. Honorez sa vie au lieu de déshonorer son nom avec votre insensée chasse aux sorcières à l’encontre de créatures qui ne méritent pas un tel sort."