Ericka Bareigts a quitté le ministère des Outre-Mer et le gouvernement. Elle est succédée par Annick Girardin.
Chère Annick GIRARDIN, je vous souhaite la bienvenue au sein du Ministère des Outre-mer.
C’est avec beaucoup d’émotion que je m’exprime aujourd’hui devant vous. Cette belle aventure au Ministère des Outre-mer s’achève : elle fut riche, intense et stimulante.
Je tenais à vous dire à quel point je fus non seulement heureuse mais honorée de travailler pour vous, pour les Outre-mer, pour nos trois millions de compatriotes ultramarins.
J’en suis convaincue : tout succès est un succès collectif. Je me souviens de cette phrase d’Aimé CESAIRE : « Un petit pas fait ensemble vaut mieux qu’un grand bond solitaire. »
Dès ma nomination, il y a dix mois, je savais que le temps était limité et qu’il nous faudrait être efficaces et rapides. Je sais que tous ici, quel que soit votre poste, vous avez travaillé de longues heures et je veux vous en remercier. Mes attentes étaient à la mesure de celles de nos concitoyens, c’est-à-dire élevées.
Je crois pouvoir dire aujourd’hui que nous avons porté de belles et grandes avancées pour les Outre-mer. Aimé CESAIRE parlait de petits pas, j’ai envie d’ajouter car il est temps de faire entrer le créole dans ce ministère : « ti pa ti pa arrivé » !
Malgré cette courte période, je me suis attachée à porter un souffle nouveau, une grande ambition pour les Outre-mer.
Car oui, ces territoires sont des territoires français à part entière et non pas entièrement à part. Oui, nos trois millions de concitoyens ultramarins font partie intégrante et constitutive de notre communauté nationale. Oui, la République doit y être pleinement présente, à la hauteur des enjeux, à la mesure des défis.
Oui, la France doit intégrer sa dimension océanique et devenir, un jour - car ça n’est pas encore le cas !- une République océanique.
Installer cette nouvelle dynamique pour les Outre-mer prend du temps : rien ne peut se faire hors sol. Il faut d’abord poser les bonnes bases pour rendre les hommes et les femmes acteurs de leur propre émancipation dans le cadre de la République. Celle-ci passe par l’école qui doit être forte, par une politique d’insertion vigoureuse, par une nouvelle politique culturelle. En un mot, il nous fallait mener une politique de développement humain volontariste. C’était un défi !
Je ne partais pas de rien : je tiens à saluer l’investissement personnel de François HOLLANDE qui s’est montré, tout au long de son quinquennat, particulièrement attentif à l’égard de nos territoires, tout comme les deux chefs de gouvernement avec lesquels j’ai eu la chance de travailler, Manuel VALLS et Bernard CAZENEUVE. Nous avons eu, au plus haut niveau de l’Etat, des défenseurs opiniâtres de l’égalité pour les Outre-mer, notamment au niveau social, et je tiens à sincèrement les remercier.
Permettez-moi de saluer également mes prédécesseurs, Victorin LUREL, qui a notamment mené un combat déterminé contre la vie chère que je tiens à saluer, et George PAU LANGEVIN, qui ont tous deux défendu les intérêts de nos territoires.
Dès mon arrivée, en août dernier, j’ai souhaité lancer de nouveaux chantiers. A chaque fois, ma méthode fut de s’efforcer de dépasser les approches partisanes et d’avancer dans une démarche de co construction, en associant l’ensemble des parties prenantes et notamment la société civile.
Des accords de Papeete du 17 mars dernier pour le développement de la Polynésie française jusqu’à la convention pluriannuelle signée avec le Planning familial pour lutter notamment contre les grossesses précoces, nous avons à chaque fois pris le temps d’écouter et de co-construire nos politiques. C’est comme cela, je crois, que nous pouvons réussir ! C’est, on l’a vu, ce que demandent les Français.
Le premier chantier fut l’émancipation des territoires au sein de la République que nous avons portée avec la Loi Egalité Réelle Outre-mer. Fruit d’un intense débat parlementaire, elle a été, comme vous le savez, votée à l’unanimité, le 14 Février dernier : je tiens à nouveau à saluer la qualité du travail mené avec les députés et sénateurs, de gauche comme de droite.
La Loi Egalité Réelle Outre-mer porte un véritable changement de méthode et de vision : les politiques publiques seront désormais adaptées aux réalités et aux atouts de chaque territoire. Des plans de convergence seront déterminés en partenariat entre l’Etat et les territoires afin de définir des stratégies de développement au plus près du terrain.
Car les priorités de la Nouvelle-Calédonie, la Guadeloupe ou La Réunion ne sont pas nécessairement les mêmes.
Cette Loi vise par ailleurs à parachever l’égalité sociale dans les quatre Départements d’Outre-mer, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon et à l’accélérer pour le département de Mayotte. Cette lutte contre la pauvreté et pour l’égalité est à l’origine de mon engagement dans la vie politique et je suis fière d’avoir pu le réaliser pleinement ici !
J’aimerais évoquer un autre aspect de la Loi qui me paraît essentiel : c’est la nouvelle conception de la mobilité que nous avons portée !
Ce fut là encore un chantier majeur. La mobilité était encore trop souvent conçue comme « un départ vers l’Hexagone » : elle doit désormais être vue, aussi, comme une mobilité depuis l’Hexagone !
Il faut donc encourager les mobilités retours. C’est pourquoi la Loi permettra d’aider les jeunes à pouvoir revenir dans leurs collectivités d’origine jusqu’à cinq ans après la fin de leur formation en mobilité. C’est un véritable progrès qui leur permettra de terminer leurs études et d’acquérir une première expérience professionnelle avant de revenir au sein de leur collectivité pour y exercer leurs compétences !
Sur ce sujet, là encore, nous avons avancé dans une démarche de co-construction en travaillant étroitement avec la société civile.
C’est pourquoi nous avons signé un accord ambitieux avec OPCALIA permettant la formation en mobilité de nombreux jeunes avec garantie d’emploi au retour. Nous avons également signé un partenariat avec Business France et Pôle emploi pour faciliter la mobilité internationale des demandeurs d’emploi ultramarins.
Cette Loi a par ailleurs consolidé la reconnaissance officielle et solennelle de la part de l’Etat français des dommages, notamment sanitaires, liés aux essais nucléaires en Polynésie française, entre 1966 et 1996. Nous avons porté une avancée historique, et tout à fait légitime, pour élargir et faciliter l’indemnisation des victimes.
Un pays s’honore toujours à regarder son Histoire en face, avec ses ombres et ses lumières : c’est ce que la France a fait, lors de ce vote très émouvant du 14 février dernier, et nous pouvons en être fiers !
C’est ce que nous avons fait, là encore, en publiant les travaux de la Commission STORA sur les événements dans les Antilles et en Guyane de 1959 à 1967. C’est ce que nous avons fait, enfin, avec la Commission sur les Réunionnais de la Creuse, dossier qui me tient particulièrement à coeur, comme vous le savez. Nous avons grandement avancé sur ce sujet : il reste du travail et vous pouvez compter sur moi pour y prendre part !
J’aimerais évoquer un autre chantier qui fut lancé et qui, je l’espère, perdurera après mon départ : la coopération régionale. Les Outre-mer doivent pouvoir bénéficier d’un véritable ancrage océanique.
Les échanges éducatifs, universitaires, économiques constituent une richesse pour la France et pour les pays de la zone. C’est pourquoi j’ai souhaité, fidèle à ma démarche de co-construction, apporter tout mon soutien à la proposition de loi du député Serge LETCHIMY en faveur de l’action extérieure des collectivités locales : cette loi permettra d’engager une coopération étroite et soutenue avec des pays du bassin régional de nos Outre-mer.
Il nous développer les ponts et les passerelles entre les différents territoires : c’est pourquoi j’ai souhaité donner un nouveau souffle à l’Université de l’Océan Indien. Je viens de recevoir le rapport rédigé par Jean-Pierre CHABRIAT et Luc HALLADE, riche en nouvelles idées et dont il conviendra de suivre la mise en oeuvre.
Il nous faut par ailleurs faire rayonner les sociétés ultramarines au delà de leurs territoires, au niveau national et international : c’est pourquoi j’ai tenu à ce que nous inaugurions la Cité des Outre-mer et à ce qu’en plus du lieu physique une Cité virtuelle soit créée : un site Internet, riche en contenus et en expositions numériques. La culture doit être partagée des Outre-mer vers l’Hexagone mais aussi de l’Hexagone vers les Outre-mer et entre les Outre-mer !
Je veux aussi évoquer la Guyane car ce furent des moments particulièrement intenses de rencontre et d’échanges avec les Guyanais.
Je me souviendrai sans doute à jamais de ces débats, toute la nuit du 1er au 2 avril, dans la préfecture de Cayenne, où chacun, chaque citoyen, venait pour donner son avis, soumettre de nouvelles idées en matière d’économie, de santé, de petite enfance… Cette nuit-là, nous avons signé pas moins d’une douzaine d’accords thématiques.
Plus tard, nous avons conclu l’Accord de Guyane permettant d’engager un ambitieux plan de rattrapage économique, sécuritaire et sanitaire.
Parmi les mesures entérinées par l’Etat, je crois que certaines sont historiques : citons par exemple la rétrocession de 400 000 hectares de terres aux communautés amérindiennes qu’elles pourront gérer comme elles le souhaitent : cette mesure qui n’est que justice leur permettra de mener une existence conforme à leurs aspirations.
Enfin, le plus important, je crois, fut la nouvelle considération de l’Etat à l’égard de la Guyane. Je l’ai dit : si les excuses étaient à faire, je les referais car il était nécessaire de prononcer ces mots tant attendus.
Nelson MANDELA a dit : « Vous obtiendrez plus dans ce monde avec le pardon qu’avec des représailles. » et je suis convaincue qu’il avait raison. Ce fut un très grand moment d’émotion où nous ressentions tous clairement que quelque chose nous dépassait. Ce fut un moment où nos compatriotes Guyanais se sont sentis pleinement respectés.
Je veux également évoquer Mayotte, département le plus pauvre de France, ayant par conséquent le besoin impérieux de la solidarité de la Nation.
C’est à Mayotte que j’ai tenu à aller pour mon premier déplacement officiel car nous devons faire preuve d’une mobilisation sans pareille, et accrue, pour ce territoire. C’est à Mayotte que j’ai tenu à retourner pour faire face à la crise de l’eau qui affectait le département.
Nous avons grandement avancé. Aujourd’hui, nous sommes allés au bout de l’expertise technique : un rapport des services du Ministère de l’Environnement vient d’être rédigé, et des solutions concrètes, à court et moyen terme, décidées. Je ne doute pas que la Ministre des Outre-mer poursuivra avec détermination ces actions.
Un autre chantier majeur fut la défense des Outre-mer au niveau européen. Nous pouvons être fiers, particulièrement fiers, d’avoir obtenu la sortie de l’octroi de mer du périmètre du Règlement Général d’Exemption par Catégorie ! Des avancées majeures ont été également obtenues dans d’autres dossiers.
Sans pouvoir être exhaustive, il me faut également évoquer la sécurité : toujours dans une démarche de co-construction, nous avons organisé la première Conférence nationale de sécurité des Outre-mer réunissant l’ensemble des parties prenantes : les élus locaux, les associations, les commandants de police et de gendarmerie qui sont sur le terrain pour que chacun puisse nous faire remonter ses bonnes pratiques.
J’aimerais enfin conclure ce qui fut notre priorité majeure durant ce quinquennat et plus particulièrement, ici, au Ministère des Outre-mer : la jeunesse. Il s’agit, vous le savez, d’une de mes toutes premières préoccupations, alors que près d’un million de nos concitoyens ultramarins ont moins de vingt ans.
Il n’y a pas de développement économique sans développement humain et nous savons que l’insertion et l’épanouissement de la jeunesse sont cruciaux pour la cohésion des sociétés ultramarines.
Ensemble, nous avons déployé d’importants efforts en faveur de la jeunesse, concernant l’éducation, l’emploi, la mobilité, la culture, les sports.
Je veux souligner que nous avons atteint cette année l’objectif des 6000 bénéficiaires du Service Militaire Adapté car nous savons que ce dispositif est vital pour renforcer l’insertion des jeunes sur un marché du travail qui repart, au moment où les résultats en matière de chômage des jeunes sont très encourageants. Je remercie l’ensemble des équipes, civiles comme militaires.
Enfin, je tiens à saluer un autre combattant pour l’égalité et pour la jeunesse, le Délégué Interministériel pour l’Egalité des Chances des Français d’Outre-mer, Jean-Marc MORMECK, avec qui nous avons constamment travaillé en bonne intelligence.
Je crois que tous ensemble, nous avons porté de belles et grandes avancées pour la jeunesse des Outre-mer et que nous pouvons en être fiers !
Mesdames et Messieurs,
Lorsque j’ai été nommée à ce ministère, j’avais mentionné cette phrase de Bernard SHAW que Robert KENNEDY aimait citer lors de sa campagne présidentielle de 1968, à la rencontre des oubliés et des marginalisés de l’Amérique. Aujourd’hui, presque pour boucler la boucle, j’aimerais citer cette phrase : « Certains voient les choses telles qu’elles sont et disent : pourquoi ? Moi, je rêve de choses qui ne furent jamais et je demande : pourquoi pas ? »
Je me reconnais bien dans ce « pourquoi pas ? ». Voilà ce qui fut ma démarche ces derniers mois et ce qui continuera à me guider !
Car sachez que je resterai une militante au service des Outre-mer : j’essaierai, là où je serai, de poursuivre cette logique d’émancipation et d’élargissement des horizons !
Madame la Ministre, chère Annick Girardin, je vous fais toute confiance pour poursuivre, ici, l’engagement qui est le vôtre en faveur des Outre-mer. Je suis fière qu’une Ultramarine succède à une Ultramarine. Je sais que vous connaissez de près la réalité de nos territoires et que vous porterez haut la défense des Outre-mer. Je vous souhaite donc, sincèrement, la réussite dans vos projets.
Ce Ministère, comme vous le savez, est une très belle maison ; comme les Outre-mer qu’il défend, il doit être mieux connu et mieux reconnu. Il porte en lui une certaine idée de la France – une France océanique ! -, une certaine idée de notre République et de notre Nation.
Enfin, comme vous le voyez, ce Ministère fait vivre, chaque jour, les valeurs qui nous unissent : liberté, égalité, fraternité.
Je vous remercie à toutes et à tous.