La fille de Paul Vergès, Françoise, a donné l’ultime discours des obsèques de son père avant l’inhumation de celui-ci.
Françoise Vergès, la fille de Paul, s’est exprimée lors des obsèques de son père.
"J’ai longuement réfléchi à ce que je pouvais dire. Depuis samedi, je n’ai entendu que témoignages d’amour, d’affection et d’amitiés de la part des femmes et hommes venus à sa veillée. Ces paroles témoignent des liens puissants qui lient le peuple à notre père."
"Nos souvenirs nous appartiennent, s’il fallait partager quelque chose avec vous est qu’il nous a toujours poussé à être libre et indépendant, si nous faisions une erreur, c’était à nous de la réparer."
"Nous avons compris très tôt que c’était un personnage public que nous partagions avec ses camarades ou ses ennemis. La leçon, chacun doit choisir les passions de sa vie."
"J’ai choisi de parler de son amour de son pays et son peuple et son choix de faire revivre l’espoir et le rêve d’une île décolonisée."
"Ce n’est pas le désir de faire carrière mais celui d’être présent, de participer, d’écouter , de transmette et d’agir. C’est une passion parfois difficile à comprendre. Il existe des passions tournées vers l’autre et le monde."
"Qu’est-ce qui pousse un garçon de choisir à 17 ans d’être avec les opprimés ? Enfant, il est emmené par son frère, son père, sa mère, il est alors garçon au bout du monde, il fait de cette île sa nouvelle terre. Il choisit d’être Réunionnais. Il aimera cette île et son peuple. Il va vous vouer un immense amour. Il ne cessera d’être fier de la réussite des Réunionnais et de chercher des exemples de cette réussite. Cet amour pour La Réunion dans les temps actuels où la politique de la haine s’imposent, c’est aux Réunionnais de le reprendre."
"Ce sont ces idéaux qu’animèrent un jeune groupe de Réunionnais dont faisait partie mon père. Décoloniser La Réunion, rêver d’autonomie et affirmer qu’ici, un avenir était possible."
"À la définition de La Réunion, il a ajouté les esclaves révoltés et marrons. Nos ancêtres ont dit non à l’oppression et se confrontèrent à une mort certaine pour faire face à la liberté."
"Ce fut un communisme d’en bas, je me souviens de meeting dans la nuit. Je me souviens des volontaires se proposaient volontaires au risque des coups, de la solidarité, de la bal de letchis, des gestes d’affection, des fous rires, des fêtes."
"Nous te disons adieu, nous t’avons laissé hier des objets : du rhum, un cigare, un bateau, un drapeau, ta montre, des exemplaires de Témoignages. Paul Vergès a été rappelé par les ancêtres, il va retrouver son père, sa mère, son frère, son fils, sa compagne. Nous leur demandons à tous de l’accueillir chaleureusement et de l’aider à se remettre de cette déchirure. Il a été aidé par votre amour en cette journée d’adieu. Je vous laisse avec ces mots de son camarade Aimé Césaire : "Ecoutez, de mon île lointaine de mon île veilleuse je vous dis Hoo ! Et vos voix me répondent et ce qu ’ elles disent signifie : « Il y fait clair . » Et c ’ est vrai : même à travers orage et nuit pour nous il y fait clair."