Alors que les élections départementales approchent, le politologue Yvan Combeau analyse les forces en présence tout en posant une question cruciale. "Quelle présidence pour le Conseil départemental ?" : éléments de réponse avec Yvan Conmbeau.
Tribune d’Yvan Combeau
"Quelle présidence pour le Conseil départemental ?"
"Depuis 2004, Nassimah Dindar préside le Conseil général de La Réunion. Plus d’une décennie à la tête de cette assemblée et un parcours original dans la vie politique de La Réunion. Un Itinéraire politique qui traverse le RPR, l’UMP, l’UDI avec la réorganisation des centres, des « modérés » et depuis 2008 toujours le souci de maintenir une position d’équilibre afin de maîtriser sa majorité tri-partite départementale (droite-gauche).
Sur l’axe chronologique récent s’observent des distorsions autorisant le discours en faveur de la marche des « progressistes » aux cantonales (mars 2011), le soutien à la liste de Paul Vergès (septembre 2011), la participation aux primaires socialistes (et donc de se reconnaître et signer le texte sur l’acceptation des « valeurs de la gauche »)… et finalement en 2014 l’approbation du « pacte » des droites, des centres avec Didier Robert.
Il était intéressant d’écouter Jean Christophe Lagarde (visite en janvier 2015) quand il parlait de la nécessité de jouer « la clarté ». Le message s’adressait probablement aussi à la présidente du Conseil général. Mais, l’argument sur le dépassement des clivages gauche/droite déjà présent dans son discours lors de son élection au Conseil général en 2008, sa volonté ne n’avoir pour parti que la réussite de La Réunion et de pouvoir partager la photographie d’un rassemblement avec la quasi-totalité des dirigeants politiques de l’île : ce sont là aussi des traits d’un itinéraire politique plus en ligne brisée qu’en ligne continue.
La vie politique réunionnaise est souvent caractérisée par une forte plasticité de son personnel. La société politique peut se définir par cette succession d’ententes.
Les stratégies ne surprennent plus l’opinion publique qui a contemplé la vie politique sur ces trente dernières années. L’électeur s’est habitué à cette capacité à sauter les lignes et changer les accords et les combinaisons selon les temporalités et les contextes.
Dans cette vie politique de La Réunion, Nassimah Dindar a surtout montré son aptitude à fédérer des ententes.
Pour les scrutins de 2008, 2011 et plus encore 2015, une large part du questionnement sur le troisième tour des consultations c’est à dire l’élection à la présidence intègre nombre de discussions sur ses options.
En 2015, l’actuelle présidente du Conseil général concentre encore l’attention et les interrogations sur son devenir et sa propension à organiser de nouvelles combinaisons politiques.
Au sein de la société politique, Nassimah Dinar se situe plus dans les logiques d’associations que dans les logiques de centralisation. Elle a su adapter sa démarche, profiler son action au regard de ses forces. Elle apparaît principalement dans le rôle de « la clé de voûte » bien moins dans la fonction de chef de parti. Elle se met davantage dans la posture de la fédératrice, se veut un point de convergence. Elle entre plus dans le rôle de pivot que dans celui de leader privilégiant la construction de connexions avec d’autres forces afin d’y apparaître comme la personnalité indispensable, précisément parce qu’elle se place comme garante du fonctionnement au centre du dispositif. Elle ne s’appuie pas sur la force d’un parti, mais sur sa disposition à réussir des alliances, des jonctions politiques.
L’exemple de la majorité composite de 2008 illustre parfaitement cette habileté à réunir des éléments apparemment opposés (ou en désaccord) et à réussir là où peut l’attendait en rassemblant les morceaux d’un puzzle et à maintenir, faire vivre, cette composition.
Avec les centres et ses deux ailes (droite/gauche), nous sommes dans le même logiciel de construction qui passe par un dénominateur commun, un point d’équilibre, qui a nom Nassimah Dindar.
Sans prétendre devancer le vote sur le prochain Conseil Départemental, trois éléments de réponse peuvent au moins alimenter les réflexions. En premier lieu, d’évidence, tout ne dépend pas de la présidente sortante. Les résultats dessineront de nouveaux équilibres.
Ayons bien à l’idée que des binômes vont être élus mais dès le 29 mars, l’équation pour la présidence doit se faire à partir du chiffre de 50 conseillers qui vont être à la manœuvre.
Deuxièmement, prépondérants seront les projets des différents acteurs de la société politique dans l’après départementales : quelles orientations et regroupements entendent-ils mettre en ligne sur le moyen terme c’est à dire jusqu’aux régionales ?
Enfin, Nassimah Dindar peut-elle (veut-elle ?) se satisfaire d’être la candidate de la droite et du centre ou entend elle se garder des marges de manœuvres pour continuer de conserver intactes son habileté à réunir et à coaliser sur (et avec) d’autres rives politiques ?