Le bon fonctionnement du marché du travail passe par des mobilités choisies parmi les salariés, trop rares en France, juge un rapport publié jeudi par le Conseil d’analyse économique (CAE) qui formule des propositions iconoclastes pour sécuriser ces changements d’emploi.
PARIS (AFP) - Le bon fonctionnement du marché du travail passe par des mobilités choisies parmi les salariés, trop rares en France, juge un rapport publié jeudi par le Conseil d’analyse économique (CAE) qui formule des propositions iconoclastes pour sécuriser ces changements d’emploi.
La première consiste à subventionner le salaire, pendant un à deux ans et sous conditions de ressources du ménage, de celles et ceux ayant fait le pari de changer de secteur ou d’entreprise et qui subissent une décote salariale.
Les autres portent sur le logement, notamment les règles de bail locatif, qui ne facilitent pas la mobilité.
La création d’un chèque formation librement utilisable par le salarié, la notation des formations, est aussi proposé, tout comme l’accès des intérimaires à un accompagnement social et en terme de revenu aujourd’hui réservé aux victimes de plans sociaux.
Un système de bonus-malus appliqué aux cotisations chômage des employeurs frapperait au portefeuille les entreprises qui forment une fraction trop faible de leurs salariés, n’offrent pas de formations diplômantes et ne s’assurent pas du caractère aisément transférable des qualifications acquises en formation.
Ces propositions sont très éloignées de celle faite avant Noël par le Medef sous le vocable de "mobilité professionnelle individuelle sécurisée" et qui avait fait bondir les syndicats. La négociation est au point mort.
Pour les auteurs du rapport, Mathilde Le Moine (HSBC) et Etienne Wasmer (OFCE), "la situation actuelle est peu satisfaisante".
Qu’il s’agisse de déménager ou de se former pour travailler dans une autre entreprise ou un autre secteur d’activité, "la mobilité des salariés français est restée faible", alors que, selon eux, elle aura un rôle "de plus en plus important" pour surmonter les chocs économiques (fermeture de sites, etc).
De plus, "les mobilités sont plus subies que choisies et ont tendance à renforcer (...) les inégalités selon le niveau de qualification".
"La moitié des personnes qui changent d’employeurs dans l’année ont moins de deux ans d’ancienneté" et "25% des salariés français n’ont jamais changé d’employeur, un chiffre un peu au-dessus de la moyenne européenne", notent-ils.
Selon eux, "l’inefficacité des marchés du logement, l’acquisition de droits à l’ancienneté dans l’entreprise, les limites à la portabilité des droits et les inégalités d’accès à la formation sont les principaux obstacles à la mobilité".
Revenant sur le concept de "flexisécurité", ils rappellent qu’il "vise à combiner une flexibilité accrue pour les entreprises dans la gestion des emplois et une sécurisation augmentée des parcours individuels des salariés".
Mais, estiment-ils, ces dernières années, cette politique "a surtout conduit à une augmentation des emplois temporaires" (CDD, intérim), et "l’analyse des changements récents du droit du travail français montre une progression plus rapide de la flexibilité que de la sécurité".
Les salariés ne sont donc pas suffisamment outillés pour la flexibilité.
Aujourd’hui, "les formations offertes par l’entreprise (...) n’aident pas réellement à améliorer les perspectives de carrières et (...) sont exclusivement centrées sur le capital humain dit spécifique au poste et aux tâches du salariés, au détriment du capital humain dit général qui permet précisément d’évoluer", relèvent les auteurs.
En outre, "les entreprises n’ont pas intérêt à former les salariés en emploi précaire dans la mesure où elles ne peuvent espérer rentabiliser cet investissement. C’est ce qu’on appelle une défaillance du marché qui doit être, de notre point de vue, corrigée par l’Etat", ajoutent-ils.