Si l’Arménie a exprimé sa gratitude envers Paris pour l’adoption de la proposition de loi sur le génocide arménien de 1915, la Turquie a, par contre, décidé de geler ses relations diplomatiques avec la France. Elle a fait savoir par le biais de son chef de gouvernement, Recep Tayyip Erdogan, que le vote d’hier ouvrait des « plaies irréparables et très graves » pour les Turcs.
Alors que l’Arménie a témoigné sa reconnaissance envers la France pour le vote à l’Assemblée de la proposition de loi sur le génocide arménien, la Turquie a, pour sa part, annoncé la suspension immédiate des rencontres politiques, économiques et militaires prévues avec la France. Les relations commerciales entre les deux pays s’en trouvent ainsi menacées.
« Par l’adoption à l’Assemblée nationale de cette proposition de loi criminalisant la négation des génocides, la France a de nouveau confirmé sa haute mission de berceau des droits de l’homme et démontré une fois plus son engagement en faveur des valeurs humaines universelles », a déclaré le ministre arménien des Affaires étrangères, Edward Nalbandian, dans un communiqué.
Pour sa part, le chef de gouvernement turc, en qualifiant de « politique fondée sur le racisme, la discrimination et la xénophobie » le texte adopté hier à l’Assemblée, a annoncé que son pays annule également « l’autorisation qui était faite aux avions de chasse et aux bâtiments de guerre de l’armée française d’atterrir ou d’accoster en Turquie », rapporte Le nouvel Observateur.
La semaine dernière, le Premier ministre turc a déjà adressé une lettre au président Nicolas Sarkozy, dans laquelle la Turquie avait prévenu la France que l’adoption de cette proposition de loi sur le génocide arménien entraînerait de graves conséquences sur les relations entre les deux pays.
Réagissant sur la question, le président de la commission des Affaires étrangères de la chambre des députés turque, Volkan Bozkir, a estimé que la France, peu favorable à l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, a fait une « erreur de calcul » en adoptant le texte. « Sa (ndlr : Turquie) demande d’adhésion à l’Union européenne est presque stoppée et son économie est une des plus dynamiques du monde avec une croissance de 8 % au troisième trimestre », a-t-il rappelé.
La Turquie, étant le quatrième client (hors pays de l’UE) de la France dans le secteur de l’énergie et celui des transports, menace ainsi de pénaliser les relations commerciales en vue, notamment la vente des avions à Turkish Airlines ou encore la construction d’une centrale nucléaire, pour laquelle EDF serait en compétition.
Par la voix du ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, le gouvernement français a invité la Turquie à ne pas « surréagir ». « Je regrette cette réaction », a-t-il déclaré. Considérant la Turquie comme un « partenaire important », le premier ministre de déclarer : « j’en appelle au bon sens et à la mesure ».
Rappelons au passage que cette année, le commerce bilatéral entre la Turquie et la France devrait atteindre 12 milliards d’euros.