Aux abords de l’aéroport d’Orly, un derrick de près de 40 m de haut creuse le sol à la recherche d’un bien précieux : une source d’eau chaude nichée à 1.700 m de profondeur qui permettra dès l’hiver prochain de chauffer partiellement l’aérogare sans rejeter de C02.
ORLY (Val-de-Marne) (AFP) - Aux abords de l’aéroport d’Orly, un derrick de près de 40 m de haut creuse le sol à la recherche d’un bien précieux : une source d’eau chaude nichée à 1.700 m de profondeur qui permettra dès l’hiver prochain de chauffer partiellement l’aérogare sans rejeter de C02.
L’imposante machine ne connaît aucun répit. Depuis fin avril, elle fore nuit et jour pour atteindre une nappe d’eau souterraine de plusieurs milliers de mètres cubes, le "Dogger", dont la température atteint par endroits 85°C.
A terme, cette eau très corrosive sera acheminée par un premier puits vers un échangeur où elle réchauffera — par conduction et sans rejeter de C02 — l’eau alimentant le circuit de chauffage de l’aéroport. Une fois refroidie, elle sera rejetée dans les profondeurs via un second puits.
Et dès l’hiver prochain, ce réseau géothermique permettra de couvrir "entre 25% et 30%" des besoins de chaleur des installations d’Orly (aérogares, bâtiments de pistes...), soit l’équivalent de 3.200 logements, précise André Galvez, chef du projet à Aéroports de Paris (ADP).
Le reste des besoins sera assuré par l’actuelle centrale au gaz, située à deux pas du chantier.
Mais les aléas ne manquent pas. "Creuser la terre n’est pas une science exacte. C’est un peu comme chercher de l’or", prévient Philippe Pinto, du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’organisme public maître d’oeuvre du chantier.
Le forage d’Orly devrait ainsi déboucher sur un point d’eau à 74°C mais les prévisions des géologues ne sont pas infaillibles. ADP s’est d’ailleurs assuré contre le risque que la nappe d’eau soit plus froide qu’espéré.
Une chose est sûre : la nouvelle installation permettra à l’aéroport d’Orly de rejeter 9.000 tonnes de CO2 en moins chaque année, dans la droite ligne du Grenelle de l’environnement.
Et le gain pourrait être également financier. Le coût du chantier est loin d’être négligeable (environ 12 millions d’euros) mais une flambée des énergies fossiles (pétrole, gaz) amortirait rapidement l’investissement.
"C’est difficile d’évaluer la rentabilité d’une telle opération. Il faudra comparer l’énergie que nous allons puiser gratuitement avec les prix du pétrole ou du gaz que nous aurions payés sans l’installation. Au final, la facture énergétique devrait être moins élevée", analyse André Galvez.
Moins connue que l’éolien ou le solaire, la géothermie pourrait elle aussi tirer profit de ce projet et gagner en visibilité.
"Le fait qu’une société comme ADP avec ses énormes impératifs économiques se tourne vers cette énergie démontre un certain regain d’intérêt", se réjouit Michel Van Den Bogaard, de la Direction régionale régionale de l’industrie de la recherche et de l’environnement (Drire) de l’Ile-de-France.
La géothermie n’en est certes pas à ses débuts dans la région. Mis au jour grâce à des forages pétroliers dans les années 50, le "Dogger" permet déjà de chauffer l’équivalent de 150.000 logements franciliens. Le site de L’Oréal à Chevilly-la-Rue (Val-de-Marne) y a également recours.
"Mais c’est la première fois que cette source d’énergie est utilisée à une telle échelle dans le tertiaire", note Norbert Bommensatt, de l’Ademe, partenaire financier du projet avec la région Ile-de-France.
L’expansion de la géothermie devrait toutefois rester limitée. Les nappes souterraines comme "Dogger" sont rares et les coûts d’exploitation réservent le projet à de gros porteurs. "Un particulier n’installera jamais de forage dans son jardin", résume M. Bommensatt.