Devant le tribunal correctionnel de Paris, le "logeur" de deux des terroristes du 13-Novembre a répété qu’il ne savait rien du profil de ses locataires. "J’aime trop la vie, les femmes et mon fils pour héberger des terroristes", a-t-il clamé.
Jawad Bendaoud a été entendu jeudi par le tribunal correctionnel de Paris, devant lequel il encourt six ans de prison pour avoir fourni un appartement à Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrouh après les attentats du 13 novembre. Il a assuré qu’il ne les connaissait pas et n’était pas au courant des actes qu’ils avaient commis.
S’exprimant nerveusement et très rapidement, il a expliqué à la cour qu’il gérait plusieurs "squats" à Saint-Denis, et qu’il les louait à des gens du quartier. Concernant l’appartement de la rue du Corbillon qui a servi de planque à Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrouh, Jawad Bendaoud, qui vivait avec la mère de son enfant à l’époque des faits, affirme qu’il l’utilisait pour "redescendre" après avoir consommé de la drogue. Avec Mohamed Soumah, il vendait de la cocaïne.
Le 13 novembre 2015 au soir, dix terroristes attaquaient des terrasses parisiennes, la salle de concert du Bataclan et les abords du Stade de France. Ce soir-là, Jawad Bendaoud "mangeait des lentilles au bœuf" avec son père, s’est-il rappelé. "Il m’a dit qu’il y avait des mecs qui s’étaient fait exploser. Vous allez vous moquer de moi, mais j’ai eu l’image de Pakistanais ou d’Hindous, pas de mecs de mon âge. Et puis il m’a dit qu’ils étaient tous morts. J’ai jamais su qu’il y avait deux gars en cavale", raconte-t-il.
Lors de son arrestation, Jawad Bendaoud croyait qu’il était interpellé à cause du "trafic de drogue". C’est Mohamed Soumah, après avoir été rapproché par Hasna Aït Boulahcen, qui a ramené les deux djihadistes et la cousine d’Abdelhamid Abaaoud au "squat". La tête de cette dernière "lui disait quelque chose", mais s’il avait "su qu’elle venait avec des terroristes", il ne les aurait "jamais hébergés", a déclaré Jawad Bendaoud devant le tribunal. Selon lui, Abaaoud affirmait avoir besoin d’un logement en raison de problèmes conjugaux. Hasna Aït Boulahcen avait présenté les deux terroristes comme son frère et son cousin. "Comment vous voulez que je pense que mon pote, avec qui je fais du trafic de ’stup’, il va venir avec une meuf qui fume des clopes et ils vont m’amener des terroristes ?", a résumé le prévenu.
Au fil de son récit, Jawad Bendaoud est devenu de plus en plus nerveux, tenant régulièrement des propos incohérents ou prêtant à la dérision et devant par moments être rappelé au calme par son avocat. Il n’a pas donné d’explication quant au contenu des appels téléphoniques échangés avec Hasna Aït Boulahcen et affirme qu’il n’a passé que quelques minutes avec ses locataires, sans remarquer quoi que ce soit de particulier.
Il a reconnu avoir été "con" car il y avait des signes qui auraient dû lui mettre la puce à l’oreille, comme quand "Abaaoud lui a demandé de quel côté on faisait la prière". Pourquoi héberger des gens qu’il ne connaît pas ? "Je fais ça depuis longtemps, c’est mon activité", a-t-il répondu en expliquant "recruter par bouche-à-oreille, bouche-à-bouche". "On m’a vendu un bœuf bourguignon, j’ai fini avec un couscous. Personne ne m’a mis au courant. Sur la tête de mon fils, je ne savais pas que c’était des terroristes", martèle Jawad Bendaoud tout au long du procès.