Les trois suspects de la tuerie qui a fait 12 morts à Charlie Hebdo ont été identifiés. Il s’agit d’une organisation terroriste bien préparée.
C’est grâce à une carte d’identité découverte dans la Citroën C3 noire abandonnée rue de Meaux dans le XIXe de Pris que les suspects ont été identifiés, révèle Libération aujourd’hui. Mais les deux frères Saïd et Chérif K., âgés de 34 et 32 ans, déjà tombés en 2005 dans une "filière irakienne" de combattants islamistes dite des "Buttes Chaumont" et leur complice sans domicile fixe de 19 ans Hamid M. qui gravitaient à Gennevilliers n’ont "pas encore été interpellés". Le parquet de Paris indiquait qu’il "ne confirme rien à ce stade", hier, à 22 h.
Chérif K, avait été arrêté juste avant de quitter la France pour la Syrie le 25 janvier 2005. Une fois sur place, "un garçon de 14 ans devait les attendre à l’aéroport, les emmener acheter une kalachnikov à 200 euros, puis leur présenter des passeurs qui vont les acheminer en Irak". Orphelin dès l’enfance de ses deux parents immigrés d’Algérie, il a été élevé en foyer à Rennes et a passé un brevet d’éducateur sportif avant de gagner Paris. Il n’a jamais quitté la France.
Hébergé avec son frère par un français converti, ce livreur de pizza a "plus le profil du fumeur de shit des cités que d’un islamiste du Takfir. Il fume, boit, ne porte pas de barbe et a une petite amie avant le mariage" selon son défenseur. Mais a été "choqué" lui aussi "par l’intervention américaine en Irak et par les exactions des marines à Abou Ghraib", rapporte Me Olivier.
Il a arrêté l’alcool au dernier ramadan. Il se définit comme "un musulman occasionnel". Chérif Kouachi devient à son tour émule de Benyettou. "L’effet de groupe l’a conduit à montrer qu’il était un héros sans en mesurer les conséquences. Il sait que la plupart des Français partis en Irak ont été tués". De juillet à octobre 2004, trois d’entre eux, tous du quartier, y ont laissé leur vie. Condamnés puis ressortis de prison depuis, les frères K. ont continué le jihad.
"C’est la guerre dans Paris, pour ne pas dire le jihad", explique un officier de police judiciaire expérimenté pour qui les services antiterroristes redoutaient "ce genre d’action, le plus dur à prévoir. Les attentats dans le métro, c’est fini". Pour lui, les deux ou trois inconnus masqués par des cagoules et équipés "d’armes lourdes", tels des kalachnikovs, qui ont attaqué Charlie Hebdo constituent "un commando quasi militaire organisé et préparé".
"Sur les premières vidéos que nous avons récupérées, les positions de tirs de ces individus lorsqu’ils font des cartons sur les voitures de police et leur façon de progresser dans la rue témoignent qu’ils sont entraînés", explique un officier de police. L’exploration d’autres images diffusées par les chaînes d’info trahit, "le calme et la détermination" de deux hommes qui "repartent de la scène de crime sans trop se presser", ainsi que "leur motivation ou leur mobile".
En effet, l’un d’eux crie : "On a vengé le prophète Mahomet. On a tué Charlie Hebdo". Une référence explicite aux caricatures du prophète publiées en 2011 par l’hebdo satirique qui a déménagé il y a un an dans ce local anonyme au 10, rue Nicolas-Appert, dans le XIe, avec pour seule inscription "Editions Rotatives".
Plus de 500 CRS et gendarmes mobiles, déployés dans Paris et en Seine-Saint-Denis, ainsi que des policiers d’élite du Raid sont engagés dans cette chasse à l’homme. Deux appartements à Pantin et à Gennevilliers ont été fouillés. Les enquêteurs privilégient l’hypothèse d’un "acte de terrorisme islamiste" : "Soit il s’agit indéniablement d’un attentat commandité de l’extérieur et exécuté par des jihadistes revenus de Syrie qui nous auraient échappé, soit des connards de banlieue se sont radicalisés et ont fomenté cette attaque militaire au nom d’Al-Qaïda. En tout cas, ce ne sont pas des amateurs mais des tueurs formés".