Éric Tufféry, procureur de La République de Saint-Denis, va prochainement céder sa place à Véronique Denizot, actuelle procureure de la République à Annecy. Elle devrait prendre ses fonctions en septembre prochain.
Véronique Denizot, procureur de la République à Annecy, a accepté de se livrer pour LINFO.re, afin d’évoquer sa carrière et sa future prise de poste à La Réunion.
"Je suis magistrate du ministère public et au parquet. Cette nomination est à la fois la conséquence du hasard des nominations et l’expression d’un choix après 30 années de carrière", nous explique-t-elle.
"J’ai déjà eu une expérience en Outre-mer entre 1997 et 2002, motivée par un choix familial car la famille paternelle de mes enfants est à moitié polynésienne. La Réunion, c’est lié au départ de M.Tufféry. Et grâce à mon ancienneté j’ai pu postuler sur ce type de poste. J’ai également une fille installée dans l’île depuis près de 4 ans. C’est une mutation professionnelle très intéressante et exaltante."
"En 30 ans il y a beaucoup de choses. L’affaire qui a eu un retentissement médiatique important à Annecy, c’est l’affaire dite de « Chevaline ».
Après il y a des affaires pas forcément médiatiques mais qui marquent, par beaucoup d’émotion, de difficulté, d’intérêt… C’est varié. En 30 ans, en exerçant à Paris, en Outre-mer, j’ai une vision très large et j’ai eu la chance d’être assez épargnée d’affaires trop difficiles à supporter sur le plan émotionnel.
J’ai eu la chance de ne pas me trouver sur une scène d’attentat ou d’accident collectif, même si j’ai eu à traiter ces affaires.
Après il n’y a pas que les grosses affaires qui marquent. Cela peut être des affaires intimistes, pas élucidées. Ce qui est toujours triste dans ces situations c’est qu’on peut le vivre comme un échec. Ou alors il y a les affaires qui nous touchent parce qu’il y a un enfant du même âge que les vôtres."
"Je suis assez pessimiste sur les chiffres en eux-mêmes. Globalement, les chiffres de la délinquance baissent, néanmoins la délinquance est plus violente. Il y a un sentiment d’insécurité.
Après, les choses que j’ai vues et c’est que ce qui rend le travail judiciaire difficile, c’est qu’à chaque évènement ou fait sordide on recherche systématiquement à savoir si i la police a bien ou mal fait ou si la justice a bien ou mal travaillé. C’est une caractérisation de l’inflation législative avec une loi de moins en moins bien écrite et cela crée de l’insécurité juridique. Et c’est préjudiciable car nous, professionnels du droit, on se sent dans l’insécurité par rapport à des textes qui changent trop souvent. Je suis là pour demander l’application de la loi. Je critique là la multiplication et la mauvaise qualité des textes et des moyens qu’on donne à l’institution judiciaire et aux services de l’ordre. Il n’y a pas assez de personnes pour faire face aux priorités qu’on nous assigne.
Comment gérer la priorité ? Notre but c’est d’appliquer la loi, protéger les victimes et éviter les réitérations. Après, nous sommes tributaires des moyens."
"J’ai commencé en banlieue, puis je suis partie en Polynésie. La Réunion sera encore différente. Même si on retrouve les mêmes choses en terme d’insularité, la réalité de la vie avec les inégalités sociales, des gens très pauvres et d’autres très riches. La misère dans des endroits magnifiques.
La justice est tributaire des moyens qu’on nous donne. À La Réunion c’est insuffisant, même si l’équipe est chevronnée et menée par un procureur qui mène son parquet mais à un moment on ne peut pas faire face. À Annecy il arrive parfois un sentiment d’épuisement, de fatigue, de lassitude. Dans tous les parquets c’est la même chose."
"Même en 30 années de carrière, j’apprends tous les jours. J’aime la fonction que j’exerce et je m’y réalise pleinement. Car le métier de magistrat, de procureur, c’est travailler sur des dossiers et vieiller à l’application de la loi. On travaille aussi sur la dimension humaine, la prise en charge des victimes, d’un auteur, d’une personnalité. Il faut comprendre comment on en est arrivé là. Est-ce que la seule solution c’est l’enfermement ou l’insertion ? On travaille avec une multitude de partenaires et c’est passionnant. Il n’y a pas une journée qui se ressemble.
À Annecy, ville très préservée de la délinquance, c’est très différent de La Réunion. Et donc, je vais apprendre à nouveau. C’est passionnant."
"Je vais arriver dans mes nouvelles fonctions, avec un rapport d’étonnement, un regard neuf. Au fur et à mesure, mon regard va se remplir de tout ce que je vois. Et je pourrai engager des pistes de réflexion. Il faudra m’adapter à la réalité de La Réunion pour pouvoir traiter au mieux.
Mon projet est de m’inscrire dans la suite de M.Tufféry qui est arrivé dans un parquet difficile. Il l’a mis parfaitement en ordre de marche avec une équipe qui bosse.
Je vais continuer à faire aussi bien que lui, m’engager dans ce parquet là, à Saint-Denis et être à la hauteur de la nomination qu’on m’a offerte. Je suis très fière de cette promotion."
Diplômes obtenus
Date d’obtention 1986 - Intitulé du certificat ou diplôme délivré maîtrise de droit privé, mention carrières judiciaires - Université Paris 1, Panthéon Sorbonne
Distinctions honorifiques
médaille de la protection judiciaire de la jeunesse
chevalier de l’ordre national du mérite
chevalier de l’ordre national de la légion d’honneur
Expérience professionnelle dans la magistrature
Depuis le 5 septembre 2016 - Juridiction Tribunal judiciaire d’Annecy - Procureure de la république
Septembre 2011 – septembre 2016 - Juridiction Tribunal de grande instance de Lyon - premier vice procureur -
Septembre 2006 - septembre 2011 - Juridiction cour d’appel de Grenoble - substitut général, puis substitut général chargé du secrétariat général
Septembre 2002 - septembre 2006 - Juridiction tribunal de grande instance de Grenoble - vice procureur
Septembre 1997 - septembre 2002 - Juridiction Tribunal de première instance de Papeete - substitut du procureur
Février 1991 - août 1996 - Juridiction TGI Evry - substitut du procureur de la République
Janvier 2011 / décembre 2011 à PARIS - Intitulé du stage de formation cycle supérieur d’administration de la justice - professionnelles couvertes Réflexion sur les différentes dimensions de l’administration de la justice, sur les questions administratives, institutionnelles et sociétales auxquelles est confronté le magistrat exerçant des fonctions d’encadrement ou de direction - E.N.M.
Septembre 2009 / juin 2010 à La Plaine Saint Denis et Paris - Intitulé du stage de formation 21e session nationale de l’Institut des Hautes Études de la Sécurité et de la Justice - auditrice de l’INHESJ