L’économiste Philippe Jean-Pierre livre son analyse sur les arguments primordiaux pour l’organisation de la fin du confinement.
Si la confiance est au cœur du fonctionnement de notre société, de son humanité, de son économie, elle n’est pas innée. Si pour certains, elle se construit, pour d’autres elle relève d’une question de croyance. Concernant le déconfinement, elle apparaît sans doute comme la pierre angulaire de sa réussite et cela pour plusieurs raisons.
La confiance d’abord dans notre système de santé : il a fait preuve d’une formidable mobilisation. Et nous devons lui rendre hommage et lui renouveler cette confiance « quoi qu’il en coûte ». Le choix d’investir sur la santé ne peut souffrir d’aucun arbitrage…Car la « bonne santé » est le premier actif de notre si chère liberté de vivre. Elle n’a donc pas de prix. Elle peut être dorénavant assimilée à un actif stratégique non négociable à l’image de la défense nationale. Et si elle a un coût immense, elle implique alors des choix de société ; donc des choix politiques dans les pays développés et une solidarité étendue avec les pays moins dotés. En effet, cet épisode apparaît telle une piqure de rappel : les approches « trop comptables » sur le court terme peuvent se révéler finalement très coûteuses sur le moyen et long terme. Ce qui n’écarte pas pour autant la question, délicate, de l’efficacité de la production des biens, services et solutions en santé.
La confiance ensuite comme levier essentiel pour retrouver une vie « a peu près normale ». Faire confiance à autrui c’est savoir, en ce moment, qu’il n’est pas porteur asymptotique. Les tests, les masques, les mesures de prudence via les gestes et comportements de précaution seront donc encore nécessaires. La question des tests est, ici, cruciale. Car encore une fois sans confiance, c’est risquer de laisser aller nos comportements à tous les maux de la méfiance, du rejet de l’autre, du « confinement moral »,…Bref, c’est freiner le retour à des modes de vie normaux (si l’on considère la vie d’avant le 15 mars) et « imprudents » si l’on considère les risques actuels de contagion. Cette dimension est aujourd’hui au centre des préoccupations des acteurs des loisirs, des restaurateurs, des voyagistes, des lieux d’enseignement…
La confiance est alors un pivot essentiel pour la résurrection de nos économies. Si les gouvernements et les banques centrales ont agit massivement pour à la fois empêcher l’effondrement de nos systèmes et prendre en charge le coût vertigineux inédit de cet arrêt brutal d’une large part de nos économies (l’exemple du tourisme et de l’aérien en sont des illustrations flagrantes), le déconfinement n’évacue pas toutes les interrogations sur la confiance dans le fonctionnement de nos marchés et dans la gestion future des dettes immenses. Certains secteurs auront-ils à subir de lourdes transformation à l’instar de ce qui s’est passé après le 11 septembre 2001 ? D’autres industries et producteurs ne vont-ils pas accélérer leur transformation digitale afin de réduire la part du contact humain et d’augmenter le sans contact ? Les déstabilisations subies brutalement par plusieurs pans des économies ne vont-elles pas conduire à des plans de rationalisation, à des comportements de précaution, à des mesures d’austérité qui n’augurent pas d’une reprise en V mais plus lente que souhaitée.
Le renforcement de la confiance est enfin un facteur clé de notre résilience. Ce terme, ressassé depuis plusieurs semaines, invite à travailler sur nos ressorts et ils sont nombreux dans notre pays, La France, comme à La Réunion. La mise en perspective des faits montre que nous avons déjà traversé dans les siècles précédents des épisodes amplement aussi désastreux, sans, à l’époque, les aides massives apparues ces derniers jours. Et pourtant, nous sommes toujours là pour en parler. Alors gardons au plus profond de nos cœurs cette confiance dans l’avenir, cette espérance au delà de l’espoir, cette énergie qui fait que le roseau réunionnais plie mais ne rompt pas !
Philippe JEAN-PIERRE
Economiste.