Cette nuit, pêcheurs et scientifiques sont repartis en mer avec l’espoir de marquer des squales dans le cadre de l’opération CHARC. Après huit heures passées en mer, les deux bateaux ont fait une touche mais ne sont pas parvenus à marquer un seul animal. Un requin tigre a été capturé mais s’est échappé avant que les balises ne soient posées. Revivez minute par minute cette traque de tous les instants.
4 h 45 : Départ en mer. Le Wayan, petit navire de pêche de 12 mètres de Thierry Gazzo quitte le port de Saint-Gilles alors qu’il fait nuit noire. L’équipe de scientifiques, chargée de marquer les requins capturés, conduite par Marc Soria, chercheur à l’IRD et coordonateur de l’opération, se trouve sur un autre bateau.
4 h 55 : L’équipage entame la préparation des appâts destinés aux trois drumlines - ligne fixe ancrée au fond de l’océan et contenant chacune un hameçon - qui seront jetées à 10, 20 et 30 mètres de profondeur. Des têtes de thons et de bonites sont découpées et fixées à chacun des hameçons circulaires de six à sept centimètres par Jéremy Elise, 24 ans, pêcheur professionnel travaillant depuis quatre ans avec Thierry Gazzo.
5 h 05 : la première drumline est immergée à environ 300 mètres de la côte. La ligne est attachée à une bouée. Le bateau repart pour poser les deux autres un plus loin. La longueur de la ligne est fonction de la profondeur de la mer qui s’affiche sur un écran installé dans la cabine de pilotage.
5h 30 : L’équipage du bateau, Jéremy et Yves, 31 ans, s’affairent à préparer maintenant la longline, une longue ligne dérivante de plus de 2000 mètres sur laquelle sont accrochées une centaine de lignes secondaires munies chacune d’un hameçon en inox, fixées au bout d’un petit câble d’acier. Ce sont des maquereaux congelés, importés d’Asie, qui serviront d’appât. Un travail de longue haleine qui n’effraye pas pour autant Jéremy.
6 h 10 : La longline est déroulée à l’aide d’un treuil, pendant près d’une demi-heure. « Les hameçons utilisés sont conçus pour éviter que le requin ne se blesse grièvement, en l’avalant par exemple. Ils sont faits pour s’accrocher sur le coin de la gueule et s’enlèvent sans difficultés, ce qui facilite le travail des scientifiques » explique le docteur Van Grevelynghe.
7 h 50 : le bateau des scientifiques pointe à l’horizon et ramène sur son pont, les drumlines qu’ils ont relevées. Pas un requin n’a mordu à l’hameçon. Elles ne seront plus remises à l’eau. Pour espérer capturer un requin, il ne reste plus que la longline soit plus attractive que ces lignes fixes.
8 h 30 : Un requin mord à l’hameçon. Deux bouées ont coulé, signe qu’un gros poisson a mordu. La longline est vite remontée et les appâts sont décrochés, un à un. Il faut attendre le « dernier zinc » pour découvrir un superbe squale au bout de la ligne. « C’est un tigre, un beau mâle » lance Gery Van Grevelynghe à la vue de l’énorme animal qui se dandine à quelques centimètres en dessous de la surface. Mais pas question de le sortir tout de suite de l’eau. « On va le laisser se fatiguer, le temps que le bateau des scientifiques prenne le relai », explique-t-on. Celui-ci ne tarde pas à arriver. La ligne secondaire au bout duquel se débat le requin est décrochée de la longline et fixée à deux petites bouées, à charge pour l’équipe de scientifiques de récupérer l’animal pour l’opération de marquage. « Attention le fil est bien abimé comme celui qu’on a perdu vendredi » lance Yves en direction des scientifiques. Malgré de multiples précautions, le requin réussit à fausser compagnie aux scientifiques après s’être enroulé au tour de la ligne qui a cédé. C’est la déception à bord. D’autant que l’animal était de belle taille : 3,5 m au moins et autour de 200 kg.
9 h : « Dès qu’il a commencé à voir le bateau, il est parti en flèche. Il avait le fil enroulé dans la queue », explique Marc Soria, venu raconter sa mésaventure au capitaine du Wafan. "On tâtonne pour trouver la bonne technique », reconnaît Thierry Gazzo. Il faut maintenant tout reprendre à zéro. : réarmer à nouveau d’appât la longline puis la remettre à l’eau en recommençant l’opération de filage.
10 h : Nouvel incident avec la palangre. La ligne a cassé. Il faut encore tout recommencer. Remonter, réparer puis la remettre à l’eau. Près d’une heure de perdue.
11h 30 : Retour au port et déception. Pas un requin n’a mordu, pas même un quelconque marlin ou espadon. La centaine d’hameçons n’a rien accroché. Les requins ne se sont pas laissé prendre. La déception se lit sur tous les visages. Pêcheurs et scientifiques sont d’autant plus frustrés qu’un beau spécimen avait été attrapé. Un « tigre » que Jéremy a reconnu à sa « tête carrée » et à ses rayures.