La Cour de justice de la République (CJR) n’a pas fait mentir son rang de juridiction d’exception lors du procès de Charles Pasqua, tant la comparution de l’ancien ministre fut singulière au regard de la justice ordinaire.
PARIS (AFP) - La Cour de justice de la République (CJR) n’a pas fait mentir son rang de juridiction d’exception lors du procès de Charles Pasqua, tant la comparution de l’ancien ministre fut singulière au regard de la justice ordinaire.
Seule la CJR est compétente pour juger des infractions commises par des membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions. Elle est composée de trois magistrats professionnels et de douze parlementaires.
Le sénateur UMP des Hauts-de-Seine s’est donc retrouvé dans la situation peu banale d’être jugé par douze de ses pairs, dont huit membres de la majorité.
Conscient qu’il ne fallait pas laisser la place au soupçon de connivence politique, le prévenu avait lancé aux juges la veille du verdict : "Vous ne me devez rien".
L’avocat général Yves Charpenel y avait fait écho dans son réquisitoire : "Nos concitoyens attendent de nous une justice rendue conformément à la loi et non en fonction de pesanteurs étrangères à la stricte application de la loi".
La CJR a condamné Charles Pasqua à un an de prison avec sursis dans une des affaires jugées, l’a relaxé dans les deux autres.
Pour autant, lors des débats, les juges parlementaires n’avaient pas pour mission d’oublier complètement les élus qu’ils étaient. Car leur présence au sein de la CJR répond à un postulat : l’examen des actes d ?un ministre nécessite des juges connaissant le fonctionnement gouvernemental et capables d’analyser les infractions reprochées.
Est-ce ce positionnement ambigu qui a semblé inhiber la Cour durant le procès ? Lors de la première semaine d’audience, Charles Pasqua a souvent donné l’impression de mener la danse, pressant de questions des témoins que la Cour semblait peu curieuse d’interroger.
Tel le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, qui a bouclé son audition en un quart d’heure et un minimum de sollicitations.
Les juges se sont ensuite montrés plus insistants avec les témoins mais Charles Pasqua a finalement très peu été interpellé pour s’expliquer sur les faits, hormis le dernier jour.
Dans les trois affaires de malversation renvoyées devant la CJR, d’autres protagonistes - son fils unique, des hommes d’affaires, fonctionnaires, dirigeants d’entreprise - ont déjà été condamnés par des juridictions de droit commun.
Du coup, les audiences semblaient trop souvent se concentrer sur des personnes et des délits déjà jugés en négligeant de les relier à l ?ancien locataire de la Place Beauvau.
Cette co-existence de procédures parallèles, devant des juridictions classiques et devant la CJR, présentait un caractère "singulier", a reconnu l’avocat général dans son réquisitoire.
Elle aboutit également à un jugement singulier puisque la CJR a relaxé Charles Pasqua dans l’affaire du casino d’Annemasse, celle-là même pour laquelle il avait écopé d’une condamnation définitive à 18 mois de prison avec sursis devant un tribunal ordinaire.
Ce dernier, le tribunal correctionnel de Paris, avait examiné les faits commis durant la période au cours de laquelle M. Pasqua n ?était pas ministre et, par conséquent, ne relevait pas de la Cour de justice de la République.
Le sénateur UMP avait été condamné pour financement électoral illégal, mais les juges de droit commun avaient estimé avérée l’existence d’un "pacte de corruption" autour du casino d’Annemasse.
Les motivations de l’arrêt de la CJR, qui devraient être connues en début de semaine, seront donc étudiées attentivement par M. Pasqua et le ministère public qui disposent de cinq jours pour se pourvoir en cassation.