« Le baiser, en ce sens anti-moderne, est et restera le contre-chant, la mélodie merveilleuse et douce qui aide à mieux vivre dans un univers égoïste et calculateur ». Jean-Claude Kauffman.
Après une petite parenthèse électorale, je suis de retour avec mes kozé. Aujourd’hui, j’aimerais vous parler des baisers. Oui, oui des baisers ! Rassurez-vous, je n’ai pas perdu la tête. Le 6 juillet a eu lieu la journée internationale du baiser, une donnée chiffrée m’a interpellée : d’après des chercheurs néerlandais, un baiser de dix secondes correspond à 80 millions de bactéries échangées…et là on ne parle que de baisers ! Vous y penserez la prochaine fois que…
Le baiser ne date pas d’hier, il trouve son origine plusieurs millénaires derrière nous ; les fresques égyptiennes vieilles de 3 800 ans représentaient déjà des couples en train de s’embrasser. D’après le psychiatre Neel Burton, c’est Alexandre Le Grand qui l’importe en Occident après un voyage en Inde et il s’étendra ensuite à toute l’Europe avec les conquêtes romaines. D’ailleurs, chez les Romains, il existait plusieurs types de baisers : oscula étaient les baisers de l’amitié, basia ceux de l’amour, et suavia ceux de la passion. Cependant, selon la philématologue Sheril Kirshenbaum, spécialiste du baiser, rien ne permet de déterminer à quelle époque et dans quelle partie du globe est né le baiser sur la bouche. Aussi, il y a près d’un siècle, cette pratique culturelle était ignorée par certaines civilisations.
Une étude publiée en 2015 dans la revue American Anthropologist portant sur 168 cultures montre que 54 % de celle-ci ne pratiquent pas le baiser voire le jugent répugnant : c’est le cas pour les Thonga (Zambie, Zimbabwe), les Mehinaku (Amazonie) ou les Albanais. C’est le constat que fait aussi Alain Montandon dans son livre « Le baiser, le corps au bord des lèvres » publié aux éditions Autrement.
Il rappelle que : « comme tout acte humain, le baiser, s’il paraît naturel, est largement tributaire de la culture. Sous sa forme habituelle telle que nous la connaissons en Occident, il était inconnu des peuples d’Afrique, d’Amérique, d’Océanie et d’Australie. Il n’était en outre nullement caractéristique de la Chine ou du Japon ». C’est ce que souligne l’anthropologue Paul d’Enjoy ; les Chinois avaient un sentiment d’horreur face au baiser sur la bouche des Européens, cela « éveillait en eux épouvante et répugnance devant ce qui leur semblait être un simulacre de cannibalisme ».
Le baiser n’est donc pas un acte universel et surtout il n’est pas propre aux humains…il existe aussi chez les chimpanzés et les bonobos. À la Réunion, pendant longtemps, le baiser existait comme acte très intime. Il était considéré parfois comme plus intime encore qu’un rapport sexuel, sa manifestation en public était l’objet d’un tabou. En effet, par le baiser, je signifie à l’autre que je m’abandonne à lui, et à partir de là peut commencer toute sorte d’exploration…
Et vous, quel sens donnez-vous au baiser ?
Remy Bourgogne